Il y a de cela quelques jours, la communauté musulmane célébrait sa fête religieuse préférée. Cette fête où les hommes reprennent pleinement leur rôle d’homme, en faisant appel à leur instinct animal le plus féroce, quant aux femmes … Bah les femmes resteront toujours des femmes. À la cuisine et que ça saute !
Cette année, comme l’année précédente d’ailleurs, je n’ai pu participer à ce rite, vu par la communauté occidentale comme un acte barbare. Etant actuellement à Paris, je n’ai pu faire appel moi aussi à cet instinct que tous mes compères « là-bas chez nous » partageaient en ce jour.
Elle me manque cette ambiance.
Je m’en souviens encore, une semaine avant le jour de l’Aid, on ramenait la bête dans notre grande maison. On la chouchoutait. « On », c’est les enfants. Elle n’avait jamais été autant chouchoutée avant. Je crois qu’elle savait ce qu’il attendait, vous savez le sixième sens, ou le deuxième la concernant. Sachant que le seul sens qu’elle a, mis à part le fait de (bien) savoir mourir, est le sens de la (mal) bouffe. C’était peut-être pour ça la mauvaise odeur qui émanait d’elle.
Puis, arrive enfin le jour J. Tout le monde se réveille tôt, les enfants pleurent la mort prochaine de la bête. Ça s’attache vite un enfant. Les hommes partent à la mosquée pendant que les femmes se préparent à une longue et dure journée, où durant 90% de leur temps elle seront dans une cuisine (ou dans un garage si cette dernière n’était pas assez grande). La cuisine, pas la femme.
Ça ne changeait pas vraiment du train-train habituel de la femme.
Les hommes arrivent enfin, la bête (souvent les bêtes, car ça reste une fête après tout familiale) entend les pleures des petits retentir en même temps que la sonnette annonçant l’arrivée du grand chef. Le grand-père souvent, ou le père si ce dernier est mort ou en mauvais état de marche. La bête les voit, ils arrivent armés de couteaux, de frottoirs pour les moins courageux et de cordes pour les plus costauds. Elle voyait la lumière blanche au fond du tunnel. Elle illuminait la bête.
Elle regrette de ne pas avoir demandé le visa. Son ami là bas, à Paris, lui avait dit que leurs congénères se font étourdir d’abord. Mais chez ces brutes…
Ils avaient Brigitte, eux.
Le plus vieux aiguisait son couteau. Les enfants regardent de loin, souvent les yeux cachés. Ah ! Cette innocence qu’on a quand on est petit.
Il passe à l’acte ! La journée commence. L’homme au frottoir se précipite pour nettoyer cette marée de ketchup répandue sur le sol. Car oui, comme à Hollywood, on utilise du Ketchup. Vous nous prenez vraiment pour des sauvages ?
L’agitation bat son comble, les prochaines bêtes sont déjà sur la liste, ils ne voient pas revenir leur compagnon d’un soir. Les cris, les courses contre la montre et le semblant de crasse (L’homme au frottoir fait rarement bien son boulot). Un brouhaha dans un semblant d’organisation désordonnée. Ils avaient tout compris.
Paris ça y ressemble, d’une certaine façon du moins. Le désordre y règne toujours. Le jour de l’Aïd, ça n’évoluait pas. Toi, qui depuis l’enfance baignais dans une ambiance de joie, de partage et de sang. Car il ne faut pas se voiler la face, les occidentaux croient dure comme fer qu’on fait ça pour leur montrer nos talents de terroriste. Mais que nenni, on fait ça pour apprendre à la nouvelle génération comment se servir d’un couteau et d’une hache.
Au réveil, j’avais pris un petit-déjeuner. Ils étaient rare les jours où j’en prenais un. Ce jour-là, je n’avais pas très envie d’aller en cours, par peur de faire une crise en pleine classe peut-être, je comblais donc ce vide comme je le pouvais.
Je m’y résignais enfin. Prenant mon courage à deux mains et m’en allant en cours tel un mouton qu’on laisse en liberté le jour de son sacrifice. Je ne savais pas si je devais être content d’avoir échappé à l’épreuve du frottoir en pensant à qui aller bien me remplacer à cette noble et dure tâche, ou être triste de ne pas pouvoir crier des phrases comme : « Femme à la cuisine ! » à tord et à travers comme bon me semblait.
Que d’inconvenance.
Dans le métro, il y avait une femme âgée. Une arabe. Couplant mon sourire ravageur et mon éducation qui me dictait de laisser la place à une vieille dame, je lui cède ma place en lui lançant un « bonne fête de l’Aïd el-haja* ». Je crois que je n’ai jamais vu un regard aussi noir que celui qui suivit mes mots. En refusant de s’asseoir à ma place elle m’avait sortit des phrases telles que « ici, on était en France et pas au Bled! ».
Le Bled, je déteste ce mot.
Je ne savais pas que je devais laisser ma religion à la frontière. Personne ne m’avait prévenu, moi.
Arrivant en cours, de simples salutations, quelques coups de téléphone d’amis encore enclin à quelques préceptes et traditions.
Il n’y avait pas plus d’ambiance qu’un autre jour. J’étais triste.
Je criais donc à cette prof qui me disait d’aller au tableau qu’elle serait mieux à la cuisine préparant de bonnes brochettes que là, à nous faire un cours sur je ne sais quoi.
Désolé madame, j’avais faim. Très faim.
C’était un Aïd à Paris, pour celles et ceux qui veulent partager une ambiance familiale où les enfants préparent leurs tenues 15 jours avant le jour J, où le partage et la bonne ambiance règnent et où pauvres comme riches mangent à leur faim, je vous invite l’an prochain à le fêter comme il le faut. Alors ? Chiche ? :)