Je l’ai vu dans ses yeux, ce jour-là. Comme un parfum d’ailleurs, un étrange reflet d’eau et j’aurais traversé le Jourdain pour elle. Et c’était trop tard. Il y avait déjà tout un monde entre nous. Il nous restait à grandir côte à côte sans plus jamais comprendre, ni savoir, ni sentir. Nous étions deux. Nous étions d’eux.
Alors, partir, n’est-ce-pas, fut la seule chose à faire. User le temps, pour mieux le tuer, pour mieux nous tuer. Et gommer au fil des jours toute l’aspérité de l’existence.
C’était un univers à créer de nouveau. C’était ce royaume d’autrefois qui s’effondrait pierre à pierre, et même nos corps n’en savaient plus rien, et même nos cœurs étaient étrangers. Et même l’ailleurs n’avait plus de sens. Seul le vide demeurait une passerelle, une passerelle vers quoi, vers qui, comment aurais-je pu le savoir ? Comment aurais-je pu penser que cela avait de l’importance ?
Je l’ai vu dans ses yeux, ce jour-là. Il y a si longtemps. Et j’ai volé un peu de nous pour devenir moi. Car il n’y avait rien à aimer de ce que nous n’étions pas devenues, car j’habite mon propre corps comme si c’était le sien, car nous étions deux.
C’est au feu que devrait être livrée la réalité.