Dans la rue Jean-Jacques Rousseau, où j’ai vécu gamin, existe une authentique curiosité parisienne : la galerie Véro- Dodat.
Pure splendeur du dix neuvième siècle (1826) cette merveille fut dessinée et financée par un charcutier – Qui a dit que ces derniers étaient de gros bœufs ? – monsieur Benoît Véro et un financier, monsieur Dodat. La galerie devint très vite populaire par la proximité des Messageries Laffitte et Gaillard, dont l’entrée se situait rue Jean-Jacques Rousseau, dans la cour de mon immeuble de gosse, en fait. Les voyageurs, qui attendaient leurs diligences, flânaient devant les nombreuses boutiques, luxueuses et variées, alignées en géométrie impeccable, le long de la galerie.
Le passage Véro-Dodat, vue de la rue Jean-Jacques Rousseau
C’est aussi dans cette magie d’autrefois que Robert Capia installa son incroyable magasin de jouets.
Surtout réputé pour sa collection impressionnante de poupées du temps d’avant, Capia était devenu, au fur et à mesure des années, l’âme du passage. On allait dans la galerie voir Capia, l’antiquaire, l’expert et aussi, l’ami. On buvait un coup avec lui au café de l’Epoque.
Doisneau, Deneuve, d’autres.
Et moi.
Gosse haut comme trois pommes à qui Capia demandait toujours comment j’allais, une main amicale dans mes cheveux sales et frisés et le sourire aux lèvres. J’admirais le bonhomme. Non pas pour les célébrités qui ouvraient la porte de sa boutique. Mais pour la boutique en question : un incroyable bric à brac de poupées, certaines désarticulées, la tête pendante et le regard vide. A l’image d’un destin brisé. D’autres, bien au contraire, dressées, prêtes à danser – c’est ce que je pensais – dans un équilibre charmant et parfait. Au milieu de ce joyeux paradis en vrac, Capia.
Robert Capia, en 1983. Je ne sais,pas qui est l’auteur de cette photo mais je le cite bien volontiers s’il se reconnaît…
Voir ce savant équilibre de jouets d’une autre époque, dominé par les poupées – je serais tenté de dire les maîtresses poupées – m’arrêtait toujours quand je passais par la galerie.
Aujourd’hui, si le passage Véro-Dodat rutile toujours de ses fastes d’autrefois, la boutique magique a, hélas, disparu. Et les poupées sont maintenant orphelines : Capia est mort au début du mois d’octobre dernier.
Sans la boutique de Robert, un des plus beaux passages couverts parisiens cherche sa raison d’être.
Louise Lame, Flâneries.
Ce soir, il n’y a pas que la passage, croyez-moi.
I love you. All of you. And Lulu.
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