Sur la scène de l’Opéra Bastille et devant la caméra de Philippe Béziat, la soprano prouve combien elle se sent actrice autant que chanteuse.
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Natalie Dessay dans La Fille du régiment de Donizetti au Metropolitan Opera de New York en avril 2008.
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Natalie Dessay dans La Fille du régiment de Donizetti au Metropolitan Opera de New York en avril 2008.
Elle saute et virevolte, court et gambade, infatigable elfe chantant sur la scène de l’Opéra Bastille. Retrouvant avec un bonheur musical et psychologique évident La Fille du Régiment de Donizetti, Natalie Dessay vocalise comme un pinson en repassant les chemises des soldats du « beau Vingt-et-unième », avant d’éplucher force pommes de terre d’un couteau énergique.
La mise en scène de Laurent Pelly (1), enjouée et suractive au risque de quelques effets appuyés à la mode « Au Théâtre ce soir », semble cousue main pour elle comme la vareuse pour le général…
Mutine et émouvante (quel charme dans les demi-teintes !), endiablée et tendre, la soprano fait plaisir à voir et à entendre, magnifiquement épaulée par le ténor Juan Diego Florez, voix infaillible se jouant des sur-aigus qui a gagné en rondeur avec les années. Comédien moins extraverti que sa bouillante partenaire, il donne à son personnage d’amoureux transi une juvénilité timide assez délicieuse. Et si la direction trop martiale et parfois floue de Marco Armiliato jouait davantage la subtilité que l’assaut, cette soirée bon enfant serait encore plus pétillante.
La comédienne soutient la chanteuse
A partir de mercredi 24 octobre sur les écrans, la même Natalie Dessay incarne un tout autre caractère lyrique dans le documentaire de Philippe Béziat, Traviata et nous (2), tourné en 2011 lors des répétitions du chef-d’œuvre de Verdi au festival d’Aix-en-Provence.
Guidée de manière tantôt précise tantôt énigmatique – mais toujours attentive et affectueuse – par le metteur en scène Jean-François Sivadier, l’artiste creuse en elle pour y trouver la vérité de Violetta, cette courtisane frappée par un amour si grand qu’elle lui sacrifie sa vie.
Natalie Dessay sollicite sa veine tragique : on voit la comédienne soutenir la chanteuse éprouvée par un rôle qui la pousse dans de douloureux retranchements. Pourtant, la séquence la plus intense et la plus émouvante du film nous montre, paradoxalement, les protagonistes muets, la bande-son ne relayant que la partie orchestrale du finale de l’acte II. Instants de pur cinéma qui exaltent la palpitation magique de l’opéra, si réticent à laisser « mettre en boîte » sa fascinante énigme.
(1) Montée avec succès de New York à Londres avant de s’offrir enfin au public français jusqu’au 11 novembre à l’opéra Bastille. Rens. 08.92.89.90.90.
(2) Traviata et nous, de Philippe Béziat, Film français, 1 h 52
EMMANUELLE GIULIANI