Celui qui postillonne des nébuleuses polychromes / Celle qui ponce les glacis de son jules Master of Arts / Ceux qui ont la patience des couches à travers lesquelles ils font monter la couleur / Celui qui te laisse toute liberté de rester toi-même / Celle qui en son chez soi conserve l’en-soi et le pour-soi de son quant-à-soi gainé de soie / Ceux qui gravitent autour du Mystère / Celui qui brasse la matière les yeux fermés / Celle qui veille au grain de sénevé / Ceux qui voient dans la tristesse une forme de sérénité / Celui qui désigne « ceux qui sont allés au fond des choses avec une grande économie de moyens » / Celle qui dit au revoir à la vache et à la rivière puis envoie des baisers à la lampe – telle que l’observe Lambert Schlechter et telle aussi qu’était notre fille Sophie à trois ans qui fêtera ses trente ans ce vendredi / Ceux qui se rappellent la phrase de Charles Olson : »I’ll hate to leave this earthly paradise » / Celui qu’une vraie amitié fait situer le paradis ici-bas / Celle qui a découvert le nom d’Anne Dillard dans ce livre de Lambert Schlechter où celui-ci dit ne connaître personne qui connaisse Annie Dillard alors que je connais une autre femme qui la connaît sans connaître Lambert / Ceux qui n’ont pas envie de partager les écrivains dont ils sont trop proches et c’est pourrquoi je n’ai jamais rien écrit sur La Trame des jours pas plus que sur Feuilles tombées de Vassily Rozanov / Celui que j’accueille au nombre des douze lecteurs auxquels je pense quand j’écris et qui me rend la pareille / Celle qui te rappelle que les oiseaux ont été créés le cinquième jour / Ceux qui s’auto-invectivent avant de faire la paix avec eux-mêmes / Celui qui remarque que le dernier écrit de Thomas Bernhard avant sa mort (le 12 février 1989) fut une lettre à un journal de Vienne pour la sauvegarde d’une ligne de tram / Celle qui passe tout à son conjoint au motif qu’il est Artiste / Ceux qui sont artistes tout naturellement et donc aussi rares que des botanistes capables d’évaluer la valeur d’usage militaire de certaines plantes / Celui qui écrit avec la légèreté grave de Peter Hadnke dans Le Poids du monde / Celle qui est fragmentiste en matière sentimentale / Ceux qui font l’amitié comme d’autres font l’amour, etc.
(Cette liste a été notée à l’écoute d’Adam’s Lament d’Arvo Pärt et après (re)lecture de certaines pages de La Trame des jours ; le murmure du monde 2, de Lambert Schlechter, paru en 2010 aux éditions des Vanneaux.)