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Le Podcast Edito - Destination Berlin

Publié le 18 novembre 2012 par Podcastjournal @Podcast_Journal
A moins de deux heures präzise de l’Hexagone par le vol direct de Lufthansa - pour réduire le coût du billet pris à l’avance, on préférera l’escale de Frankfort à celle de Munich - cela vaut la peine de redécouvrir cette métropole qui fut scindée pendant vingt-huit ans. Qui a connu Berlin à cette époque se remémorera sans doute l’infatigable pulsion de vie qui rythmait la ville. Comme la "Pomme", elle aussi refusait de dormir: il fallait bien montrer à ceux d’en face que l’Ours, symbole de la cité, avait établi sa tanière de ce côté-ci de la Spree. Les artistes masculins y pullulaient parce qu’exemptés de service militaire. Malgré son embourgeoisement depuis la chute du mur et la réunification, Berlin a conservé sa mentalité alternative, anticonformiste et bohème. "Sans arrogance" explique Kourosh, un réfugié iranien originaire de la mer Caspienne qui a épousé une Allemande. Sur la place Hackescher Markt, quelques fantaisistes suscitent encore la curiosité des badauds en gonflant de gigantesques ballons avec de l'eau agrémentée de lessive: "Ach Kinder, Kinder!"

Étonnamment, Berlin reste la ville la moins chère d’Allemagne. Les jeunes la plébiscitent pour pérégriner d’un bar à l’autre dans le quartier de Kreuzberg: autrefois regardé avec méfiance, le klein Istanbul est aujourd’hui le centre culturel, festif et populaire. "La vie", résume un chauffeur de taxi… turc évidemment. On y entendra un concert de jazz au "SO 36" avant de rejoindre dans la même rue, le "Roses" où quelques étudiants français - joyeux anniversaire Julia et Florian! - s’encanaillent avec un verre d’alcool à deux euros. Une contrebassiste d’origine rémoise Elise Dabrowski se produit dans une de ces salles chargées de volutes: de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, Berlin la frondeuse n’en a cure. Dans ce district très encombré en fin de semaine, l’interminable file d’attente devant le club "Watergate" vous invitera plutôt à rejoindre les étages du "Lab-oratory" à condition de plaire à l’antipathique cerbère posté à l’entrée. Le "Goya" de la Nollendorfplatz est plus accueillant. Inutile de s’inquiéter pour un repas nocturne. Tout reste accessible, sans tarif spécifique, aux heures indues: à l’image du "Schwarzes Café" de la Kantstrasse, bistrot ouvert 24h/24h qui mêle dans une ambiance vagabonde, un quarteron d’élégantes Housewives en goguette, une imposante drag queen entourée de sa garde rapprochée et des jeunes branchés du quartier. Nation ou État, la question de l’intégration, ici, ne se pose pas. A défaut de la Galerie Nationale, et après une visite obligatoire du magasin de mode centenaire KaDeWe pour plaire à la gente féminine du groupe, on visitera l’ancienne synagogue, incendiée lors de la nuit de cristal de 1938, bombardée en 1943 et plastiquée une dizaine d’année après la fin de la guerre. Complètement rénovée, elle abrite une exposition permanente dont un fascinant tableau de Jacob Steinhardt de 1913: "Le prophète". Retrouvée en Bavière après la seconde guerre mondiale, cette huile sur toile grand format intrigue par la vision cauchemardesque qui décrit avant l’heure la barbarie et l’écroulement d’un monde. Les corps entassés annoncent avec plus de vingt ans d’avance la pire des atrocités contre l’humanité. Peut-être ce travail devrait-il s’appeler la vision? Deux expositions temporaires retracent, la première, l’engagement humaniste du diplomate suédois Raoul Wallenberg, la seconde, la tragique épopée de ces femmes d’Europe centrale et orientale rejoignant, sous la promesse d’un mariage, les Amériques au début du XXe siècle pour finir dans un bordel. Dans l'Oranienburger strasse qui prolonge l’édifice à la façade mauresque et aux coupoles dorées, le Kneipe "Meilenstein" offre une agréable cuisine berlinoise. Étudiant en psychologie sociale, le serveur David rentre, le jour du shabbat, ses peots blondes et naissantes dans ses oreilles.

On trouvera de quoi se loger au moindre coût au CityBlick Hôtel de la Kantstrasse, une pension sise dans une ancienne maison de maître et tenue par un jeune Berlinois d’origine moscovite. Le quartier de Charlottenbourg concentre, il est vrai, l’essentiel de cette diaspora russe éclairée: ce qui n’empêche pas Anatoly, le réceptionniste pourtant naturalisé, de se plaindre d’être "apatride" depuis l’implosion de l’Union soviétique! Non loin de là, du côté de la Savigny Platz, sauf à stopper au "Paris Bar" par nostalgie de la brasserie germanopratine Lipp dont il semble s’inspirer, on effectuera un arrêt au "Hefner" où Johannes prépare des cocktails avec une minutie précautionneuse digne d’un dosage de nitroglycérine. Ne pas hésiter en sortant à s’engouffrer dans une impasse à coupe-gousset: à l’issue, un dîner fin au "Filou" conseillé par le sommelier Wolfgang. Berlin ne cesse d’étonner: c’est en cela, disait Goethe, que "réside le meilleur de l’homme".

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