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La fin du monde aura-t-elle lieu ?

Publié le 18 novembre 2012 par Sebastienjunca

Le 4 janvier 1989, en étudiant des plaques photographiques, l’astronome français Christian Pollas découvrait un astéroïde dont l’orbite croise régulièrement l’orbite terrestre (astéroïde géocroiseur). 1989 AC pour sa désignation scientifique ; Toutatis pour les intimes, revenait à proximité de notre planète grosso modo tous les quatre ans. La première fois que j’en ai entendu parler était précisément l’année de sa découverte. Une couverture du magazine Science & vie avait particulièrement retenue mon attention : « La montagne qui tombe du ciel » était le gros titre. Pour moi, ce fut, si j’ose dire, comme une « révélation ». Plongé à l'époque dans les écrits religieux et les mythes de fin du monde, notamment bibliques, j’avais instantanément fait le rapprochement entre ce colosse de pierre aux dimensions du Mont Blanc (4,6 kilomètres de longueur) et la « grande montagne embrasée de feu lancée dans la mer » de La Révélation faite à l’apôtre Jean (Livre 8 ; verset 8 et Livre 9 ; 1). Tout semblait correspondre entre les descriptions certes imagées du prophète de Patmos et les connaissances scientifiques accumulées sur le phénomène de l’impactisme [1]. L’archéologie et la paléontologie nous avaient d’ailleurs suffisamment renseigné à ce sujet concernant un semblable évènement survenu il y a 65 millions d’années. Cataclysme qui fut à l’origine de la disparition de nombreuses espèces dont celle des dinosaures. Hécatombe certes, mais qui fut aussi pour d’autres espèces jusque-là « maintenues en sommeil », l’occasion de sortir de leur léthargie forcée.

Serions-nous désormais un jour réduits, par le même processus, à devenir les prochains « dinosaures » de l’évolution ? Depuis lors, je n’ai eu de cesse de me tenir le plus possible informé de chaque passage de Toutatis à proximité de notre chère planète. A quelle distance passerait-il cette année ? Allait-on seulement nous en parler ? Serions-nous seulement informés d’une catastrophe à venir ? Les astronomes seraient-ils d’ailleurs en mesure de prévoir suffisamment tôt une trajectoire à risque ?

La collision des vingt et un fragments de la comète Schoemaker-Levi avec Jupiter du 16 au 22 juillet 1994 est un exemple éloquent de la part d’incertitude inhérente à tout phénomène naturel. Même lorsque ce phénomène est assimilé à la très précise mécanique céleste. Deux ans avant la série de collisions finale, la comète Schoemaker-Lévy était encore une et indivisible. Le 7 juillet 1992, passant comme de coutume aux abords de Jupiter, les forces d’attraction de la planète géante font littéralement éclater la comète en vingt et un fragments comme autant de nouveaux bolides aux trajectoires désormais indéterminées. En l’espace de quelques jours, un objet céleste connu, aux trajectoires identifiées et mesurées avec précision se meut en une Hydre aux Vingt et une têtes comme autant de projectiles venant de nulle part. Autant dire que si la comète avait lié son destin à celui de la Terre plutôt qu’à Jupiter, notre humble planète n’aurait sans aucun doute jamais survécu à un bombardement si intense que celui enduré par la planète géante durant sept jours.

Avertie de l’imminence de la catastrophe deux ans seulement avant impact, qu’aurait pu faire l’humanité pour se prémunir d’un tel fléau ? Rien sans doute, si ce n’est se déchirer davantage dans les affres de l’angoisses. Livrée un peu plus à ses plus vils instincts exacerbés par l’imminence d’une extinction certaine. Pour d’autres encore, s’eût été l’occasion de tout simplement se préparer à mourir... un peu plus tôt que prévu.

Pour beaucoup de personnes de par le monde, le 21 décembre de cette année est une date importante. Au-delà du solstice d’hiver qui marque la durée minimale du jour, certains en attendent autre chose mais sans savoir vraiment ce qui doit advenir. D’autres croient déjà tout savoir à ce propos. D’autres enfin lèvent les yeux au ciel. Non pas tant pour y chercher des signes que pour signifier leur moquerie ou leur incrédulité. Voire même leur exaspération pour des croyances en la « fin des temps » qui chaque fin de siècle ou de millénaire reviennent elles aussi périodiquement depuis que les hommes sont en âge de raconter des histoires.

Car pour beaucoup désormais - surmédiatisation oblige – le 21 décembre 2012 évoque la fin prochaine de notre monde. Mais que signifient au juste ces quatre mots : LA FIN DU MONDE ? L’expression à elle seule est tout ce qu’il y a de plus vague. De quelle fin et de quel monde parle-t-on ? Il y a 65 millions d’années, de nombreuses espèces ont disparues de la surface de la Terre. C’était à n’en pas douter pour elles la « fin du monde ». Mais pour d’autres jusque-là maintenues dans l’ombre des espèces dominantes, cet évènement n’était rien moins qu’une véritable genèse ou recréation du monde. De nouvelles perspectives s’ouvraient désormais. Un avenir digne de ce nom avec des possibilités d’évolution sans fin. Ce fût entre autres le cas pour les mammifères qui n’étaient alors que de petits rongeurs insignifiants tels que Purgatorius, sorte de campagnol de l’ère Crétacé. Pour d’autres formes de vie encore, telles que les insectes, cet évènement cosmique n’a pu paraître qu’anecdotique.

La multiplicité des espèces animales, des formes de vie, des différents biotopes ; la variété des mondes physiques, l’infini complexité de la matière et la succession ou juxtaposition possible des univers eux-mêmes... Voilà autant de faits qui remettent à sa juste place une expression typiquement humaine dans tout ce qu’elle représente de généralité, d’approximation, d’anthropocentrisme, de réductionnisme, de nuance et de variations infinies sur le thème de la fin ou sur celui des mondes.

Toute mort individuelle est une fin du monde. De même que toute naissance en est la création. Celle d’un monde singulier, vu, senti, vécu, aimé et haï tour à tour par un seul et unique individu ne pouvant céder ni sa place ni son histoire à aucun autre.

La naissance du Christ a marqué le début de notre ère, par définition chrétienne. Elle a donc marqué à sa manière la fin d’une époque, d’un temps et donc d’un monde. Mais ce n’est qu’après la mort sur la croix et la propagation des Évangiles sur tout le pourtour méditerranéen puis à travers toute l’Europe que la prise de conscience d’un profond changement fut enfin définitive. Ce n’est qu’au sixième siècle que l’Anno Domini (L’année de la naissance du Christ) fut officiellement déterminée et adoptée comme l’An 1 de l’ère chrétienne. Les cycles lunaires, solaires, planétaires ou plus généralement cosmiques ont de tout temps ponctué la vie des hommes et des civilisations. Les Mayas comme les Chinois ou d’autres peuples férus d’astronomie n’échappaient pas au besoin de marquer le temps, les cycles petits ou grands. Et ce, aussi loin que pouvaient porter leurs sciences et leurs observations. Les Hindous pour ne citer qu’eux, ont partagé le temps en vastes périodes cosmiques appelées Kalpa (dont la durée humaine équivaut à quatre milliards trois cent vingt millions d’années). Chaque kalpa ou « jour de Brahma » se subdivise à son tour en mille Maha Yugas. Chacun d’eux est un cycle de quatre âges aux durées inégales. Pour résumer, le kalpa « [...] correspond à l’intervalle de temps entre une conjonction de toutes les planètes sur l’horizon de Lunka, à zéro degré du Bélier et la conjonction identique suivante [2] ». Le calendrier Maya à partir duquel ont été extraites les prédictions du 21 décembre ferait également état d’un alignement avec le centre de notre galaxie à cette même date.

Aussi, quelle que soit la tradition, chaque fin de cycle marque infailliblement le début d’un temps nouveau, d’une ère nouvelle et par extrapolation, d’un monde nouveau. Chaque fin de période est une occasion d’oublier le passé, d’en faire « table rase » et par là même de se donner l’opportunité de construire un avenir plus radieux. Voilà autant de rites cosmiques qui permettaient et permettent encore à l’humanité « pécheresse » de se donner loisir de se racheter de ses fautes, de ses faiblesses et de ses manques. Le premier de l’an et les « bonnes résolutions » prises par chacun à cette occasion en est l’exemple le plus trivial. On immole le passé sur l’autel du temps. Henri Hubert nous dit : « En règle générale, ce ne sont pas les faits qui fixent les dates. Celles-ci sont les temps marqués d’un rythme qui coupe en durées finies la durée vague [...]. La représentation du temps est essentiellement rythmique [3]. » Plus loin il ajoute : « [...] le calendrier est l’ordre de la périodicité des rites [...]. Il n’a pas pour objet premier de mesurer l’écoulement du temps considéré comme quantité [4]. » La mesure du temps, la définition des cycles est une démarche avant tout rituelle. Elle vise à donner une structure et un sens à des durées indéterminées et incompréhensibles pour tout un chacun. Elle est une des conditions sine-qua-non à l’édification d’une structure sociétale pérenne.

Mais ce renouveau astronomique, mathématique et calendaire n’est pas pour autant synonyme de catastrophes. Pas plus que la fin de notre millénaire, de notre siècle, de notre année ou de notre semaine chrétienne et grégorienne ne sont pour autant les prémisses de l’Apocalypse. Au fil des millénaires, des mythes, de l’évolution des langues et de la mémoire collective, la fin d’un temps a fini par se métamorphoser en fin des temps. L’imaginaire collectif, par fascination autant que par ignorance eût tôt fait d’ajouter à ces fins de cycles tous les maux possibles et imaginables nourris des expériences passées de l’humanité. Expériences et mémoires véhiculées mais aussi déformées et amplifiées par les mythes de toutes les nations primitives. On peut supposer également que les prêtres, rois-magiciens, sorciers et shamans de toutes les traditions et de toutes les époques eurent tôt fait de tirer profit des peurs les plus ataviques. Ce, à seule fin de consolider leur pouvoir sur les masses. De tout temps, les mêmes mythes ont nourri les mêmes peurs ; les mêmes peurs ont nourri les mêmes pouvoirs.

Aujourd’hui, et pour attester de la véracité de la prédiction, on nous dit que ce ne sont pas seuls les Mayas qui en ont eu à leur époque la révélation. Bien d’autres traditions plus proches de nous semblent attester de la véracité des faits. Le Yi-king, les prédictions des Indiens Hopi, etc., sont autant de cultures qui abondent dans le sens de la thèse du 21 décembre 2012. Je ne mets pas en doute ces textes anciens ou ces traditions orales ni même l’intégrité de leur restitution. N’oublions pas toutefois que si de nombreuses correspondances existent entre ces différentes visions de la « fin des temps », c’est parce qu’elles puisent pour l’essentiel à une source commune. De nombreux chercheurs et auteurs ont témoigné de l’identité d’origine de tous ces peuples disséminés à la surface de la Terre. Identité de provenance et donc identité de croyances, de traditions, de rites, de langues, de coutumes, de divinités... au-delà des déformations dues au temps et aux influences multiples. Une lointaine parenté qui fait aussi que l’on retrouve un peu partout répandus autour de la planète et dans les tribus les plus improbables les mêmes mythes eschatologiques.

Rappelons seulement que les nations indiennes des deux Amériques avaient découvert les Indes occidentales bien avant Colomb et Amérigo Vespucci. Le détroit de Béring qui sépare la Sibérie orientale de l’Alaska ne fait que 92 kilomètres dans sa plus petite dimension. Autant dire peu de chose pour des navigateurs aguerris. Qui plus est, il y a vingt mille ans, le niveau de la mer était plus bas de cent mètres. Ce qui a permis durant une certaine période, le passage à pied sec pour de nombreuses espèces d’un continent à l’autre, dont Homo sapiens. Autant dire que les grandes civilisations ouralo-altaïques et touraniennes ont pu durant des générations emprunter ce passage et répandre leurs mythes et leurs croyances sur tout le nouveau monde. Ceci au grès de la diversité des nations indiennes qui s’y développèrent entre – 30 000 et – 12 000 ans avant notre ère.

Depuis 1989, Toutatis n’a de cesse de me tourner périodiquement dans la tête. À tel point qu’il y a quelques mois, je suis allé consulter les pages Web de la NASA pour en savoir un peu plus. J’y trouvais entre autres des simulations de trajectoires et d’orbites de nombreux astéroïdes connus, dont Toutatis. Or, quel ne fut pas ma stupéfaction lorsque je m’aperçu que le prochain périgée du monolithe avait lieu le... 21 décembre de cette année 2012. Je me précipitais sur ma calculette pour convertir les unités astronomiques en kilomètres et pour m’apercevoir que le bolide passait cependant assez loin de notre planète. Pour autant, la coïncidence n’en demeurait pas moins troublante. Serait-ce donc « par Toutatis ! » que l’Apocalypse viendrait à nous ? Je suis dernièrement retourné sur le site de la NASA [5]. Les données ont évoluées. Toutatis semble avoir pris un peu d’avance. Il sera là plus tôt que prévu, et fort heureusement aussi, plus loin. Son passage au périgée se fera le 12 – 12 – 2012 (faut-il y voir un signe ?) et à une respectable distance (sauf erreur de ma part) de sept millions de kilomètres. Soit plus de vingt fois la distance Terre–Lune. Autant dire pas de quoi fouetter un chat.

Toutefois, ne nous réjouissons pas trop vite. L’exemple de Schoemaker-Levy a assez démontré que jusqu’au dernier moment tout peut arriver. La rencontre avec un autre astéroïde, la conjonction de forces de marées ou tout autre inconnue au cœur de l’équation peuvent à tout instant en modifier le produit.

Néanmoins, nous l’avons vu, la fin d’un monde ne signifie pas pour autant son anéantissement physique. Bien d’autres évènements, à l’instar du 11 septembre 2001, de la naissance du Christ, de l’invention de l’écriture, de la découverte du feu ou de la naissance progressive de la conscience réfléchie peuvent de la même manière marquer le début d’une ère nouvelle. La naissance d’un homme au destin emblématique, la découverte d’une première planète habitée, l’écoute d’un message « intelligent » par le programme SETI (Programme américain de recherche d’une intelligence extraterrestre [6]), la fin d’une religion ou la naissance d’un autre courant spirituel majeur sont autant d’exemples de ce qui pourrait marquer le commencement d’une ère nouvelle. Les possibilités sont infinies autant que l’est la vie elle-même.

Ce 21 décembre 2012 ne sera peut-être pour nous tous qu’une journée presque semblable à toutes les autres. Chacun étant par-dessus tout préoccupé d’acheter ses derniers cadeaux de Noël. Ce n’est peut-être que bien plus tard que nous aurons la révélation de ce qu’elle nous réservait.

Le 20 avril 1889 naissait au cœur de la petite bourgeoisie autrichienne un enfant comme tous les autres. Ce n’est que cinquante ans plus tard que l’on comprit véritablement l’importance de cette date. Les siècles désormais n’oublieront pas son nom : Adolf Hitler restera synonyme du plus grand génocide perpétré de mémoire d’homme. Les fins du monde ne sont pas toujours celles auxquelles on s’attend.

Sébastien Junca.



[1]    Je renvoie le lecteur avide d’informations sur le sujet au site (incontournable en la matière) de Michel – Alain Combes : La menace du ciel : page d'accueil

[2]    Source Kalpa - Wikipédia.

[3]    Henri Hubert, Étude sommaire de la représentation du temps dans la religion et la magie, 1905.

[4]    Ibid.

[5]    JPL Small-Body Database Browser

[6]    SETI Institute


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