« Avertissement. Ceci est un roman. Tout est vérité, tout est est mensonge. »
Ce roman plonge le lecteur dans la France de Chirac. A l'époque, la droite entreprend une série de privatisations. Parmi elles, celle d'un des fleurons de l'industrie française, Thomson que le 1er ministre Juppé voulait céder à Daewoo contre 1 franc symbolique.
« Entrez dans le monde enchanté des marchands de canons. Comme disait la marquise du Deffand : il n'y a que le premier pas qui coûte.»
A Paris, Matra et ses alliés de Daewoo sont en passe de remporter le marché. Leurs concurrents d'Alcatel, après la stupeur devant un choix politique aberrant, changent de stratégie en mettant en œuvre tous les moyens pour casser l'image de Matra et de Daewoo : des enquêtes fiscales contre Lagardère sont réactivées, diverses rumeurs fuitent dans les médias en rappelant, par exemple, le passé douteux du dirigeant de Daewoo...
C'est dans ce contexte qu'un des membres de l'équipe Alcatel est dépêché à Pondange où une usine Daewoo a été implantée grâce aux aides européennes pour réindustrialiser une région qui a subi de plein fouet la désindustrialisation et les licenciements massifs dans la sidérurgie dans les années 80. Les conditions de travail sont déplorables et les accidents du travail nombreux. Un licenciement sec injustifié et le non paiement des primes mettent le feu aux poudres. C'est la grève. La parole et les corps se libèrent. Les ouvriers occupent l'usine. Et certains découvrent inopinément dans des fichiers d'ordinateurs, en s'installant dans les bureaux de la direction, qu'ils auraient reçu des primes qui n'ont pourtant jamais été versées sur leurs comptes en banque...
« Les cadres coréens étaient très nombreux, trop nombreux pour ce genre de boite, et on ne savait jamais où ils étaient ni ce qu'ils faisaient. (...) Les ouvriers venaient, ne venaient pas, les chaînes continuaient de tourner, même incomplètes. La sécurité était catastrophique, le plus fort taux d'accidents de la région, alors qu'on maniait des produits chimiques dangereux, tout le monde s'en foutait. La qualité de la production, pareil. Aucun contrôle sérieux. (...) On aurait dit que toute l'usine était un décor, et que nous, on jouait une pièce sans la comprendre...»
L'enquêteur de l'équipe Alcatel découvre que l'usine n'est qu'une façade pour assurer une certaine paix sociale locale et pour détourner des aides européennes sur des comptes au Luxembourg au profit de notables qui magouillent avec d'anciens barbouzes d'extrême droite reconvertis en agents de sécurité et en tenanciers de boites de nuit...
« La vie des femmes du peuple compte pour que dalle. Nous pouvons bien nous faire violer, écrabouiller ou prendre, tout le monde s'en fout.»
Lorraine connection est un roman noir passionnant de la première à la dernière ligne, bien écrit et au suspens digne d'un bon thriller, une histoire dans l'histoire de la privatisation de Thomson. Ce récit appartient à cette catégorie de romans où la fiction permet à l'auteur de tout raconter....