Premier texte de la suite du meilleur blog du monde, avec K.SON CP5. Mails par dizaines, textos, ce qui suit aurait pu être dix, cent, mille fois plus long, tellement "le boog'" est passionné, affable et doté d'une mémoire qui n'a pas fondu avec le butane des Sparvar et le xylène des Krylon !
Tu es un "parisien provincial", avec de nombreuses connexions très tôt dans pas mal de villes. Tu peux remettre les pendules à l'heure pour tous les parisiens qui croient avoir inventé l'eau tiède ? Je vais te dire le truc tel que je l'ai vécu. Je te passe ma «naissance» dans le Hip-Hop, retiens juste que l’affection que je porte dès 1984 au break dance(Sydney à la tv) et à toute l’énergie qu’elle fédère, m’ont permis de voir mes 1ers graffiti, non pas en Normandie dont je suis originaire, ni même à Paris mais à Londres où je suis allé 2 fois cette année là(échange scolaire plus échange avec club sportif), bingo le correspondant qu’ils m’ont collé est aussi dingue du break que moi…il m’emmène voir Beat Street au cinoche et là du haut de mes 11 ans j’ HALLUCINE! J’avais jamais vu un cinéma aussi balèze, il était remplis de b-boys, un melting-pot composé de jeunes jamaïcains, gambiens, pakistanais, sri-lankais, p’tits rouquins anglais, etc. etc., casquette à l’envers comme ils disent maintenant, gants blancs… Biiiiiim le film n’est pas encore terminé que les jeunes anglais se précipitent en bas, au pied de l’écran, et les défis de danse commencent…j’y participe et là je me rend compte de la puissance du truc… j’y adhère. Non sans mal tellement les chenilles se faufilent dans chaque recoin, les bobbys appelés à la rescousse nous sortent du cinéma…mais nous on voulait y rester…normal dehors il faisait un temps…londonien ! Tu vois cela s’est passé il y a 28 ans et je me souviens de quasi chaque détail comme si c’était hier. Je ne rate pas une miette du film, je vois du break, du style, des codes vestimentaires, et bien sûr des graffiti. En rentrant chez mon camarade anglais, le p’tit rouquin me sort une bombe de peinture de la cave des chez ses parents et nous voilà partis faire de la merde dans son quartier(Kensington)…ça m’amuse mais ce que je veux moi c’est qu’il m’emmène dans les spots de danseurs car c’est ça mon truc… Tout en continuant à danser, je gribouille de temps à autres de 84 à 88. Je m’inspire des pochettes de disques de rap et d’électro de l’époque, je commence par MAKU, SOOF, SOYS…C’est donc en Normandie, quelque part entre Rouen et Le Havre que je continue à vivre le truc. A l’époque je vois très peu de tags ici. Essentiellement, au Havre des SONIK et DEGZER, à Evreux des ASTER et AMED des CK2. ou encore MAZE, à Rouen des SPY(rip) et ANER , puis un peu plus tard (89-90) SKARE, STEP et MANIAC. Je me rends 1 à 2 fois par trimestre à Paris dès 1986/87, pour aller voir mon cousin, je peux te dire qu’à l’œil nu, Paris n’est pas encore très défoncé, en tous cas bien moins que Londres à la même époque. Je vois des BOXER et des BANDO, quelques autres noms mais ça n’a pas encore explosé, dans la banlieue que je visite régulièrement, je vois sortir les premiers GOR, SCALE, GAWKI en 1986 à la Défense, des tags de TOM.ONE le chinois de Courbevoie qui habite la rue de mon cousin, des tags du refré SHUCK(il met pas encore le 2) et il signe essentiellement BD, des tags des TLB et SKC et les graffs déjà très frais de mon futur poto SINO et de SEK,CRY et WYZ des ASA. Puis je passe des fois à La Chapelle toujours avec le zinc qui connaissait le plan…et là je redécouvre l’énergie que j’avais connue à London…Je comprends aussi que les mecs ici sont super chauvins!!! Beaucoup en ces temps là(c’est du vécu) confondait Rouen avec Reims ou Bordeaux avec Toulouse car ils se désintéressaient totalement de ce qui dépassait l’A86 lol !!! Je deviens BAKRIM ( BBOY AGAINST KRIMINALITY) en 1988. Evidemment quand je reviens en Normandie je rapporte un peu de tout cela à chaque fois et je passe pour un ovni aux yeux des autres ados de mon bahut, moqueries certainement dans mon dos, mais aussi fascination pour mon accoutrement, combien de fois ai-je entendu en parlant de ma name-plate, mais qu’est ce que ça veut dire BAKRIM…lol…ou certains m’appelaient «l’amerloque» en référence au starter NEW YORK METS que j’avais sur le dos… Alors OUI Paris a été un accélérateur pour moi mais NON je ne m’y identifie pas car je sais d’où je viens !!! J’ai mes références aussi dans ma région au Havre avec mes «grands» des Chill Out Gang, de vrais b-boys de la 1ère heure qui eux aussi n’étaient guère attirés par le move de Paname mais plutôt par Londres et sa folie des années 80 ! On va quand même dire que Paris est un mal nécessaire…on y passe aussi pour aller en soirée ou aux concerts des IZB. J’ai à l’époque tellement envie de promouvoir le Hip-Hop provincial que je monte en 1989 les THP(The Hexagonal Posse), le nom a été trouvé par Candy(la Queen) car mon concept était de regrouper des zulus de toute la France, pratiquant les 5 disciplines du Hip-Hop. Ça va du Havre à Dijon en passant par Paris et aussi Lille, car la Zulu Nation me fait rencontrer un de vos anciens de Lille en la personne de MICKEY/MC KEY, rappeur mais aussi tagueur, je viens d’ailleurs 2 ou 3 fois à Lille, je rencontre vos rockstars SPEK et BECK, SLEEK et des b-boys du quartier Vauban (TSV). Mickey est devenu un de mes bons amis. Partout où je me suis baladé en province j’ai vu des mecs que ce soit en danse ou en tag/graff qui avaient grave du style. Au Havre SONIK et DEGZER taguaient bien, KURZ.B était l’un des meilleurs breakers de France c’est sûr, et le meilleur de l’époque étant un autre provincial….un gars de Troyes NED, il faisait parti des IZB. A Lille MICKEY taguait bien, ses 2 acolytes SPEK et BECK «mangeaient» déjà bon nombre de pseudos stars parisiennes du graff, SLEEK aussi était bon. TED.E de Dijon avait déjà un pur style en tag et des bonnes idées pour ses graffs, SKAM des TAB de Dunkerque aussi avait du style… JUICE aka blackmint lol, mon refré d’Elbeuf (Mendy Force!- qe ton frère KARAS repose en paix ) à côté de Rouen, on nous appelait les zèbres, s’il avait continué il aurait certainement pondu des styles wild qui en scotcheraient plus d’un !!! Les TAA(2PON, DECLIC) du Toulouse de JUMBO.J(Zulu King à l’époque) faisaient de beaux graffs, il y avait un super breaker là-bas aussi: BAAN. Les CK2(Crazy Kangol Kidz) d’Evreux, MAZE de Pacy à côté d’Evreux, José (un autre juice) et les TNF(The New Force), breakers de Clermont-Ferrand… Là je ne t’en cite que quelques-uns…Y’en avait plein d’autres… Tous ceux que je te cite dans l’histoire du Hip-Hop/Graff français sont restés dans l’anonymat ou presque car ils étaient provinciaux ! Tous ces noms ne veulent aujourd’hui rien dire aux dernières générations qui liront cette itw, sauf pour les lillois, mais je me dois de rendre hommage aux potos et pionniers de l’histoire du Hip-Hop provincial car eux sont passés à autre chose ou ne sont plus là aujourd’hui et moi tu me donnes la parole, alors je parle pour eux. C’est malheureux mais à l’époque pour avoir un peu de crédit il fallait habiter en région parisienne !!! Je le sais car alors que je me surnomme dorénavant KINGSON puis K.SON, en connexion étroite avec les fondateurs des TKS en 90/91, je me suis vu refuser l’entrée dans le groupe car j’habitais en province(pourtant HIKER leur leader aimait bien ce que je faisais)...des barres quand on connait la suite de l’histoire…les TKS se meurent, réunion des fondateurs du crew ,ils virent les ¾ des membres, et moi je fais mon bonhomme de chemin dans les «dream teams» parisiennes….je rebondis cette même année en rentrant CP.5 et en multipliant les allers-retours et les week-ends prolongés à venir faire des graffs et autres bêtises avec SECRET et ALTERN et surtout FATAL,et pourtant ce n’est que des années plus tard que je dépose mes valises dans la capitale pour y rester, en 1994.
On est vraiment très peu de provinciaux à être venus habiter en région parisienne et à avoir fait une petite «carrière» en graff à Paname à l'époque, y a eu moi puis vers 93-94 VENISE est venu pour traumat la RATP en s'acoquinant avec 2 des plus gros tapeurs de tromés, SESAM et VANS. Il y en a peut être eu d'autres mais je ne vois pas qui ? On a ouvert la voie certainement pour le décloisonnement du théorème GRAFFITI=Paris+Banlieue. En revanche avec le temps la migration inverse s'est faite, beaucoup de graffeurs des 90'S vivent aujourd'hui en province et ont gagné en qualité de vie ! A l'inverse TRANE est venu de Marseille en 1999 pour mettre tout le monde derrière lui ici à Paris! On l'a connu tout gosse, je crois qu'il nous a tous fait un peu halluciner ici le boog ! Lire la suite de l'interview : www.capdoriginedorigine.blogspot.fr