Facebook a un très grand impact sur ses utilisateurs, surtout ceux qui y écrivent quasi toute leur vie .. il y a de bons et mauvais coups .. et émotionnellement cela peut jouer beaucoup
Nuage
Comment Facebook impacte la vie sentimentale
Intensification des sentiments, difficulté à faire son deuil d’une ancienne histoire : le plus célèbre des réseaux sociaux a une influence tangible sur la vie intime de ses utilisateurs
Non, les amoureux ne sont plus seuls au monde! Avec 526 millions de personnes se connectant quotidiennement sur Facebook chacun a désormais plus ou moins une chance de voir toute sa vie sentimentale commentée et influencée par le regard des autres.
Une «chance» en effet pour un grand nombre d’utilisateurs qui n’hésitent pas à envoyer des posts (messages) pour «booster» leur union. Cyril, 49 ans, a rencontré il y a trois mois chez un commerçant de son quartier une jeune femme avec qui il entame une liaison amoureuse. Quotidiennement, il «poste» sur son «mur» (sa page personnelle) une photo ou une vidéo de sa nouvelle conquête: à la table du petit déjeuner, au volant de sa voiture, devant un monument récemment visité… À chaque fois, il ajoute à ses publications quelques mots: «Love You», «tu me manques», ou «j’aime ta bouche»… Ses amis en rajoutent: «Qu’elle est belle», «bravo, garçon, tu tiens le bon bout!» et autres satisfecit…
Une estime de soi boostée
Pour le psychiatre Pascal Couderc, qui vient d’écrire avec Catherine Siguret L’Amour au coin de l’écran.Du fantasme à la réalité(Éd. Albin Michel), le premier impact du plus célèbre des réseaux sociaux réside dans cette puissance d’amplification des sentiments et des émotions.
«On peut parler ici d’hystérisassions, avance-t-il, dans le sens où l’utilisateur attend un retour qui “enflammera” la relation, à la fois aux yeux des autres, mais surtout pour lui-même.»
Cette valeur «d’intensification émotionnelle», on la retrouve dans les diverses possibilités offertes par le réseau: le clavardage (discussion en instantané) qui permet de rentrer en contact «chaud et direct» avec une personne choisie ; la messagerie personnelle qui permet des conversations sur le long terme avec un partenaire privilégié ; le mur qui permet de pavoiser dans ses meilleurs atours -
«On n’a jamais vu personne mettre une photo de lui en jogging délavé, remarque Pascal Couderc, ou alors dans une mise en scène précise.»
Résultat: à force de galvaniser ses ressentis, l’amoureux sur Facebook se sent «lui, en mieux». Une récente étude menée par le psychologue Keith Campbell de l’Université de Géorgie a d’ailleurs montré que l’estime de soi était augmentée chez les utilisateurs de Facebook. De là à se sentir pousser des ailes…
«La tentative de maîtrise de ce que l’on ressent et de ce qu’on en donne à voir devient omniprésente sur le réseau, observe Pascal Couderc. Mais, en réalité, la situation peut vous échapper à tout moment, il y a tellement d’“autres”!»
Et le psychologue d’y voir là l’une des raisons de la grande précarisation des relations via le réseau.
«Un coup de poignard»
Hélène, 40 ans, en a fait les frais. Lorsque son compagnon depuis quatre ans a décidé de la quitter, elle est allée, effondrée, mettre en lien une chanson qui parlait de chagrin d’amour, manière d’exprimer à ses amis ce qu’elle ressentait sans vraiment le dire. Quelques heures plus tard, son compagnon a enlevé la mention «en couple» de son profil. Il était, en seulement un coup de clic, redevenu «célibataire» aux yeux de tous. Et il a exclu sa compagne de sa liste d’amis.
«Ça a été comme un coup de poignard, se rappelle Hélène, pire que quand il m’a dit “je ne t’aime plus” en face à face.»
Le jour où, avec ses filles, elle a déménagé ses meubles de l’appartement commun, son compagnon a mis un post: «Les hyènes sont au travail.» Une expression regrettable, qui a incité les enfants à ne plus lui parler du tout.
Quand les dits sont moins clairs, la situation s’envenime tout autant. Ne pouvant s’empêcher, grâce aux codes d’une amie, d’aller vérifier sur son mur la nouvelle vie de son «ex», Hélène s’est fait beaucoup de mal.
«Je vérifiais les femmes avec qui il était ami, celles avec qui il échangeait beaucoup de posts, j’interprétais tout de travers…»
Des ruptures interminables et difficiles constituent ainsi un risque pour de nombreux utilisateurs du réseau. Une étude récente a prouvé que ceux qui restaient amis avec leur ex et continuaient à avoir un «œil» sur le mur, et donc la vie de celui-ci, se remettaient moins facilement de leur peine amoureuse.
Pour Pascal Couderc, cette inscription sur la durée des affects est l’un des aspects les plus pernicieux du network:
«On pense, lorsque l’on écrit sur Facebook, que nos propos sont éphémères, et comme délébiles. En réalité, comme un graffiti, ils restent gravés sur un mur.»
Et le psychologue de conseiller à ses patients
«N’oubliez jamais, quand vous commentez quoi que ce soit, que c’est comme si quelqu’un regardait par-dessus votre épaule.»