- En vérité je te le dis, Adam, écoute-Moi.
Il existe, comme Je te l’ai dit, un principe fondateur, un commandement premier indiquant qu’en aucune manière Dieu n’altérera une créature qu’Il a façonnée de Ses propres mains. Adam, J’ai façonné ton corps dans la glaise. J’ai sculpté ton visage et tes mains. Je t’ai donné tout qui est nécessaire et Je t’ai offert en cadeau la faculté de communiquer. Aujourd’hui tu Me parles. Tu marches. Tu cours dans Mes prairies où coulent le lait et le miel. Tu bois à Mes sources d’eau claire et tu te repais de Mes fruits. Le soleil te caresse et la nuit te sourit. Les heures qui passent glissent sans bruit sur la surface de ta peau lisse. Éternel passager d’un été immobile, tu es aujourd’hui très exactement ce que tu seras demain. Tu ne connais pas la peur, ni la faim ni la soif, ni le bruit de faulx que fait le temps qui passe. Tu regardes les nuages qui traversent le ciel sans savoir qu’ils peuvent crever d’un seul coup dans un bruit de tonnerre. Dans ton monde, pas de tempêtes, pas de cris, pas de larmes, juste quelques gouttes de pluie, tièdes et parfumées qui illuminent les ombres sur ton visage. Ici, il n’y a pas de nuits sans sommeil, pas de réveils blafards, pas de petits matins gris et figés par le gel : rien de tout ça, Adam; ici, il n’y a pas de froid.
- Tu dis ça, mais là, on supporterait bien une petite laine.
- Tu ne connais pas le froid, Adam, les mouvements fluides de son corps sinueux et long lorsqu’il remonte lentement le cours de tes veines, inexorablement vers le cœur pour consumer les derniers restes de ta chaleur. Prie ton Dieu de ne jamais avoir froid : tu ne le supporteras pas. Si jamais tu t’oublies, Adam, il Me restera le froid.
- Bien. C’était la minute météo. Maintenant si tu pouvais m’expliquer ce que tu comptes faire avec ce boudin autour du doigt.