François Mauriac et Jeanne Lafon ( Le mariage est célébré en 1913 )
François Mauriac: Souffrances et Bonheur du Chrétien:
Jeanne et François Mauriac paris 1932
Cet ouvrage édité en 1931 chez Grasset est la réunion de deux titres : Souffrance du chrétien paru à la NRF, qui était un " supplément au traité de la concupiscence de Bossuet ", et Bonheur du Chrétien, publié également à la NRF, où Mauriac se " réfute " lui-même.
Dans le premier, Mauriac est au plus fort de sa crise personnelle et religieuse. Son œuvre est un cri de révolte contre l'inhumanité d'un certain catholicisme.
Pour Mauriac, l'étreinte amoureuse est une "possession qui, l'espace de quelques minutes, ne nous leurre pas".
"Dans ce bref intervalle de l'union charnelle, nous avons cru n'être qu'un, et de nouveau nous sommes deux : ce corps, cet autre corps ; ce mur, cette poitrine fermée, monde clos de chair et de sang autour duquel nous tournons, satellite misérable."
« Le christianisme ne fait pas sa part à la chair ; il la supprime »: ( Mauriac : Souffrance du Chrétien)... Mauriac, par chair, entend l'objet du désir sexuel. Il dénonce, la « honteuse plaie de la concupiscence et l'attrait de la fragile et trompeuse beauté des corps. », « la folie qui nous porte à sacrifier l'éternel au périssable ». La volupté, déclare Mauriac, « singe la mort », elle est une fausse agonie, « la recherche des abords immédiats du Néant. »
Il n'est personne, écrivait Mauriac, qui, « livré à toutes les délices de la chair, demeure en union avec Dieu ». Si bien que la « vie charnelle » était à ses yeux peu compatible avec « la vie spirituelle » : « une chair qui s'assouvit accompagne toujours un esprit incapable d’adhérer au surnaturel »
Henry Fuseli Nightmare II
Le problème est autant celui de l'âme que celui du corps. « Combien le corps pèse à l'âme » ( Mauriac ) « Cette concupiscence qui lie l'âme au corps, par des liens si tendres et si violents, dont on a tant de peine à se déprendre, et qui cause, aussi, dans le genre humain, de si effroyables désordre ? » .. On pourrait vaincre le désir, renoncer à un corps qui ne serait qu'un corps. Mais c'est l'âme qui aime, c'est l'âme qui est aimée. »
Raymonde Heudebert, artiste, avec Jeanne et François Mauriac. Portrait par Raymonde Heudebert
Il est certain que Souffrances exprime une pensée chrétienne du corps mais qui n’est pas tout à fait doctrinalement juste. C’est celle du corps coupable de se laisser conduire par ses passions.... Une compréhension authentiquement chrétienne du corps voudrait qu’on l’envisage d’abord « avec son sexe, sa masculinité et sa féminité, c’est-à-dire la faculté d’exprimer l’amour dans lequel l’homme-personne devient don et réalise le sens même de son être et de son ‘exister’ » ( Jean-Paul II, Homme et femme il les créa, Une spiritualité du corps, Cerf, 2004, p.83 )
François Mauriac, pris dans l’étroitesse d’un système d’éducationet dans lesaventures du cœur,ne pouvait penser un corps de donen relation avec la totalité de la personne et avec son destin. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’en avait pas l’intuition, de sorte qu’il puisse un jour écrire : « Le bonheur c’est d’être cerné de mille désirs, d’entendre autour de son corps craquer les feuilles » ( sources: fr. Joël-Marie Boudaroua, o.p.
Le bonheur de vivre, Henri Matisse, 1905-06