La foi, à la racine de l'Europe

Publié le 03 décembre 2012 par Hermas

Saint Jérôme et saint Augustin l’ont expliqué au tournant du IVème siècle, lorsque l’Empereur Théodose décréta que le christianisme était désormais religion de l’Empire : ainsi s’accomplissait l’un des desseins de la Providence. L’hellénisme, forme de culture la plus avancée jamais atteinte par aucun peuple, était sur le point de servir de plate-forme à la foi révélée.

La pensée hellénistique était parvenue à un niveau qui permettait de mieux comprendre la Révélation. Ce n’est pas sans raison que l’un des articles du Catéchisme actuel de l’Église emprunte une phrase au De Republica de Cicéron, [lui-même pénétré de culture grecque]. Cela s’explique ainsi : un nouvel ecumene, grâce à la foi, qui constitue une certitude absolue (…), était né. Lorsque les frontières de l’Empire furent abattues, et que cette foi put parvenir aux peuples saxons et germaniques, saint Bède le Vénérable proposa l’emploi d’un nouveau nom, Europe, qui rappelait l’un des mythes grecs.

Grâce à la foi, cette Europe, qui avait été soumise aux ténèbres d’une profonde dépression sociale et économique, a pu se redresser, en même temps qu’elle proposait de nouvelles valeurs pour l’être humain, pour les personnes créées à l’image et à la ressemblance de Dieu, dont elles portent l’amour à l’intérieur de leur demeure, comme dirait sainte Thérèse.

L’Europe, vainqueur dans la foi

Lentement, en surmontant de terribles difficultés – car le péché, ne l’oublions pas, est au cœur de l’homme – l’Europe est venue à bout des défauts de la société dont elle héritait. Ce fut la première à détruire l’esclavage et à former des principes politiques exprimant un accord sous la foi du serment entre le roi et le royaume, et sauvegardant les libertés.  Elle a vu dans la science, non pas seulement un simple instrument au service de la technique, mais un moyen de découvrir ce qu’est la nature en elle-même, en apprenant à en prendre soin comme un administrateur. Elle a compris que la foi était l’aide la plus sûre de l’être humain pour vaincre les difficultés qui se présentent à lui, parce qu’elle implique la première et la plus forte des dimensions, l’amour du prochain comme soi-même, ni plus, ni moins, et l’abandon de la haine. C’est pourquoi les historiens nous renvoient au XIIIème siècle comme au plus pacifique de l’histoire.

C’est le siècle d’Albert le Grand, de Thomas d’Aquin, de rois saints tels que Louis et Ferdinand (…) ; c’est celui d’une maturation des lois, selon laquelle la loyauté était considérée comme une vertu, supérieure à la simple fidélité, parce que celle-ci conduit à obéir au seigneur sans se soucier de la justesse de sa cause, tandis que celle-là cherche le moyen d’empêcher que le seigneur commette des erreurs ou des injustices. C’est le siècle de la Grande Charte. Nos politiciens se gonflent d’importance lorsqu’ils donnent ce nom à la Constitution, sans se rendre compte qu’il s’agit d’un contrat féodal. Ce mot fait horreur aux marxistes, peut-être parce que dans les mondes qu’il a créés, la liberté est un bien impossible.

Mais la plus grande leçon de cette époque, ce furent des saints de l’envergure de saint Bernard qui l’ont donnée, lorsque, évoquant le rôle de Marie, ils ont découvert que la plus parfaite des créatures était une femme et non pas un homme, Jésus, selon le Symbole de Nicée, étant engendré et non pas créé. Ainsi furent découvertes les valeurs attachées à la féminité. Aujourd’hui, la société laïque, radicalement éloignée de la foi, pense exactement le contraire : les valeurs ne correspondent qu’aux hommes, de sorte que la libération de la femme ne pourra intervenir que lorsqu’elle aura acquis tous les privilèges et les obligations attachées à la virilité. C’est ce que l’on appelle le féminisme.

Droits naturels détruits

C’est Dieu qui a inscrit dans la personne humaine des droits que nous devons qualifier de naturels, parce qu’ils font partie de la nature et qu’ils ne sont pas le fruit d’un accord renégociable entre les politiciens : la vie, la liberté, la propriété. Aujourd’hui les trois sont détruits. L’enfant à naître peut être tué impunément ; celui qui naît peut être privé de père et de mère, ou être changé dans sa nature même. La liberté est dictée par les partis et les grands moyens de communication ; ce sont eux qui nous disent ce que nous devons faire. La propriété, au Moyen-Âge, était entendue comme le moyen de travailler dans une société artisanale. Saint Joseph était libre, et les pécheurs de Galilée également, qui laissèrent leurs filets sur le rivage de la mer.

L’abandon de ces principes – quasi concomitant à la rupture entre nominalistes et réalistes – a conduit l’Europe dans une longue trajectoire d’affrontements, de haines et de guerres, jusqu’à atteindre, au XXème siècle, des degrés tels que les historiens en parlent comme du plus cruel de l’Histoire. Jamais n’avait été atteint jusque-là un tel degré de cruauté destructrice.

Pourtant, par les mots prononcés par Paul VI à la clôture du Concile Vatican II, une porte s’ouvrait sur l’espérance. Aujourd’hui, l’Église, secouée en bien des lieux, calomniée ou étouffée, lance son message, aussi généreusement qu’elle l’a reçu. Comme dans le vieux film de Frank Capra, elle nous rappelle que les doux hériteront de la terre. Elle invite les jeunes à prendre part à cette entreprise qu’elle appelle “la Nouvelle Évangélisation”. Ce n’est pas un retour au passé, mais un élan dans lequel la communauté chrétienne, qui a reçu de nouvelles dimensions, offre au monde le seul cadeau possible, l’espérance.

Luis Suárez

Historien

Source : Alfa y Omega

Novembre 2012, p. 7