Anne, ma soeur Anne*, n’as-tu vraiment rien vu venir ? Sérieux ?

Publié le 04 décembre 2012 par Laptiteblan

Cela fait des semaines que je m’interroge : Anne, ma soeur Anne, n’a-t-elle rien de mieux à faire dans la vie que de militer contre le mariage des homos ?

Anne, ma soeur Anne, est catholique pratiquante.
Moi, je pratique le water-polo ; elle, la religion.
Chacun son truc.

Anne, ma soeur Anne, aimerait que tous les gens aient la même foi.
Moi, j’aimerais que tous les gens aient les mêmes droits.
Chacun son truc.

Jusqu’à présent, il y avait un statu quo familial de chic entente entre soeurs : chacun son truc, chacune sa sexualité et la caravane passe.

Mais c’était sans compter avec LE DÉBAT de l’égalité des droits qui a fait naître des vocations militantes chez les accrocs de la croix : mères, pères, grands-parents, enfants, foetus ont enfin trouvé une occupation, que dis-je, un combat !

Notre-Dame-des-Landes ? Non, trop écolo.
La crise en Europe ? Quelle crise ?
La faim dans le monde ? Miss France occupe déjà le terrain.
La hausse du prix des céréales ? On s’en fout, Jésus distribuera des pains si besoin, et Marie-Antoinette des brioches.

Le nouveau combat d’Anne, ma soeur Anne, c’est de surtout NE PAS donner l’égalité des droits aux homosexuels.

Ah, on respire du côté des bénitiers ! Enfin une cible identifiée ! Enfin une lutte qui fait l’unanimité (ou presque**) face au péril que les homosexuels représentent pour toute l’humanité, ou du moins ce qu’il en reste.

Moi je n’avais même pas conscience que je menaçais l’humanité !

Et donc, je m’interroge. Et j’interroge Anne, ma soeur Anne : n’as-tu rien de mieux à faire pour t’occuper ? du shit à couper ? ou des hosties ? n’importe quoi plutôt que de t’en prendre aux homosexuels ?

Anne, ma soeur Anne, me répond gentiment qu’elle ne s’en prend à personne, qu’elle veut juste débattre parce qu’on a « le droit de débattre de tout ». Sûrement, mais ça doit être comme pour l’humour : pas avec n’importe qui. Par exemple, si ça lui chante, elle peut débattre avec Laurence pour savoir si les travailleurs coûtent trop cher aux patrons. Elle peut aussi débattre avec Jean-François pour savoir si les musulmans sont tous des voleurs de viennoiseries. Elle peut débattre avec Jésus pour savoir si elle aura le droit à la vie éternelle.

Mais non, elle ne débattra pas avec moi pour savoir si les homosexuels sont des citoyens comme les autres. Perso, ça fait longtemps que j’ai tranché et je considère qu’il faut être un peu neuneu ou complètement illuminé pour en être encore là.

Je lui explique donc qu’on débattra de mes droits le jour où l’on débattra des siens, le jour où des colloques de psys se réuniront pour savoir si elle est apte à élever ses gosses, le jour où l’Assemblée nationale auditionnera des pédales pour savoir si on autorise les croyants à se marier au lieu d’auditionner des curés et autres gourous pour savoir si les homos le peuvent – voire, soyons folles, le jour où le Pape prendra l’avis des femmes au sujet de l’avortement. Ce jour-là, ok, on débattra.

Anne, ma soeur Anne, trouve alors que j’exagère ! « Je ne t’impose rien », se défend-elle… C’est tellement simple pour elle de se dédouaner, de se croire innocente, de se penser victime de mon étroitesse d’esprit. Elle ne m’impose rien : c’est pour me protéger, moi et toute l’humanité, qu’elle voudrait que les homosexuels n’aient pas les mêmes droits que les autres.

Il y a encore quelques jours, j’avais espoir. Je me disais : Anne, ma soeur Anne, n’est pas bête, elle va comprendre que chaque article contre l’égalité dont elle se fait la porte-parole c’est autant de claques dans ma petite gueule de soeur lesbienne. Je me disais : elle va réaliser la violence de son insupportable béatitude, elle va accepter que je ne puisse plus supporter d’encaisser et de devoir me justifier de vouloir des droits.

Et ben non.

Le litre qui a fait déborder mon vase de sérénité, c’est un article intitulé : « La souffrance n’excuse rien ».

L’article d’une sainte-nitouche qu’Anne ma soeur Anne place presque au rang d’apôtre tant ses paroles sont remplies d’hypocrites bons sentiments et de vérités moyenâgeuses. Une sainte moderne qui nous explique pourquoi les homosexuels devraient tendre les deux joues et se faire soigner.

C’est là que je me suis dit que si Anne, ma soeur Anne, trouve intéressant de relayer des articles qui font l’apologie de la mauvaise foi et de l’homophobie, il va falloir qu’elle en assume les conséquences.

Dans l’article, l’auteure représente le Bien, les gens « de bonne volonté » qui se prennent des « tombereaux d’injures » juste parce qu’ils voulaient « argumenter et réfléchir ». Des victimes en somme.

Nous, les homosexuels, sommes le Mal, « agressifs », porteurs d’un « projet qui risque de précariser tous les couples », nous pratiquons « la violence, la méchanceté et le dénigrement » et n’avons que « l’insulte » à la bouche.

Que je refuse le dialogue avec ces personnes me paraît être une preuve de bonne santé mentale. J’ai expliqué à Anne ma soeur Anne, que je n’avais pas envie de me battre parce que je suis pour la paix dans le monde et dans les familles. Alors moi, leur guerre, à ces bien-pensants-pas-homophobes, je n’ai pas envie d’y participer. Leur croisade n’intéresse qu’eux (et encore pas tous !**).

Arrivée au terme de l’article, entraînée malgré moi dans le caniveau de la pensée religieuse, je me suis dit qu’il était grand temps que ça cesse quand j’ai lu la dernière baffe : « Vous voulez "l’égalité"... ? Montrez que vous êtes des citoyens comme les autres. »

Non, mon ex-chère soeur Anne, je n’ai pas à te montrer que je suis une citoyenne comme les autres. Non mais pour qui tu te prends ?

Non, je ne garderai pas mes souffrances pour moi – celles que tu causes, tu comprends ? – juste pour ne pas heurter ta bonne conscience chrétienne.

Non, je n’argumenterai pas face à tant de bêtise et de violence.

Non, je ne me tairai plus pour maintenir un équilibre familial qui repose sur ma capacité à fermer ma gueule (qui me connaît sait que je n’ai pas de capacité à fermer ma gueule).

Non, je ne protégerai plus cette famille qui me refuse le droit à fonder la mienne.

Non, je ne viendrai plus aux réunions de famille où l’on se sourit tous alors que dans l’ombre de ton église tu renies mes droits.

Non, je ne supporterai plus votre homophobie sous prétexte que vous êtes mes proches.

Non, je n’aurai plus peur de me faire traiter d’excitée, de gauchiste, de terroriste de la pensée, de mécréante ou de déviante, juste parce que je tente de résister à des attaques immondes, violentes et dévastatrices, et que je n’ai pas envie que vous décidiez du niveau d’humanité que vous allez m’accorder. À distinguer les humains de plein droit que vous seriez des sous-humains que seraient tous les autres, l’humanité, c’est vous qui la mettez en péril.

Non, vous n’avez pas le droit pour vous. Non, vous n’avez pas la raison pour vous. Non, vous n’avez pas la bonté pour vous. Non, vous n’avez pas la paix pour vous. Pour vous, vous n’avez que vos préjugés illuminés et coupés de l’humanité réelle. Gardez-les.

Non, je ne passerai pas Noël en ta compagnie ma soeur Anne.

Et ce qui m’étonne le plus dans tout cela, c’est que tu n’aies rien vu venir.

La p’tite Blan
Ta soeur biologique.


Réf * : Il se trouve que j’ai une soeur qui s’appelle Anne et qu’elle n’a rien vu venir. Mais bien entendu, toute ressemblance avec des membres de ma famille ou des vôtres est purement fortuite.
Réf ** : http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2012N31600


PS : Nous ne passerons plus Noël en famille.

Appel aux homosexuelLEs qui ne supportent plus de supporter, à différents degrés, l'homophobie ordinaire ou fabuleuse, lancinante ou criarde, cassante ou mielleuse mais toujours violente, de leurs « vraies familles normales et saines ».

La magie de Noël vous berce-t-elle ? vous endort-elle ? ou vous tord-elle le ventre ?

Il en faut des trucages pour transformer tant de malaise, d'hypocrisie et de dégoût mal refoulé en une vaste féérie de guirlandes, de papiers cadeaux bigarrés, de chocolats et de rires d'enfants.

Tout cela à quel prix ? Pas seulement celui de la surconsommation folle. Celui aussi de votre dignité et de votre bonheur. Refusez tout ce gâchis.

Refusez de servir de caution-de-bonne-conscience ; refusez de nier votre vie et de vous mordre les gencives pour protéger leur joie égoïste ; refusez d'être la dinde de Noël ; refusez d'avaler la haine et la bêtise avec la bûche !

S'ils ne supportent pas, ne supportez plus. S'ils ne comprennent pas, n'essayez plus de comprendre : allez passer Noël ailleurs !