Combat de pâtes

Publié le 02 avril 2008 par Joëlle Sacré

Un spaghetti s'étirait de tout son long dans l'eau frémissante d'une marmite. Il était entouré de congénères mais n'y prêtait aucune attention, préoccupé qu'il était d'être al dente à la sonnerie de la minuterie. Alors qu'il plongeait pour la seconde fois au fond de la casserole, il croisa le regard médusé d'un macaroni. Mais que diable faisait cet intrus dodu dans son bain chaud ?
Le spaghetti, quelque peu dédaigneux, s'approcha du macaroni déconfi. Frétillant dans le courant du bouillon ou tremblant dans les remous de l'étonnement, celui-ci se dressa à la verticale. Le spaghetti le contourna, l'enlaça puis, de toutes ses forces, tenta de le faire remonter à la surface afin d'attirer l'attention du cuisinier distrait. Déséquilibré, le macaroni bascula à l'horizontale et fut pris, de plus belle, dans le tourbillon de l'eau en ébullition. Il entraîna avec lui le spaghetti peu ravi.
La minuterie se mit à retentir. Il s'ensuivit un branle-bas de combat hors du commun : surprises par tant de précipitation, les deux pâtes n'eurent pas le temps de se séparer et c'est enlacées qu'elles se mêlèrent aux autres dans l'égouttoir, dont le mouvement de va-et-vient les rapprocha davantage encore, avant que le macaroni n'engloutisse le spaghetti et tombe dans l'assiette creuse que le cuisinier noya de sauce rouge, avant de la présenter à une énorme dame blonde, affamée.
Celle-ci, armée de sa fourchette et de sa cuillère, se jeta sur les pâtes. Elle découvrit soudain une anomalie dans son met préféré. Illico, de ses faux ongles, elle saisit le macaroni trop peu cuit qui, dans un cri, entraîna le spaghetti en une chute libre vers la bouche béante d'un affreux caniche gourmand.