Tout le monde ne chausse pas du 35 (Episode 2)

Publié le 03 avril 2008 par Voilacestdit

LE PILOTE EST DANS L'AERONEF

Cette fois-ci tout est en place. On ne doit pas pouvoir laisser dire : « Tutto è a posto, niente in

ordine » [proverbe italien : Tout est en place rien n'est en ordre]. On est en décembre de 1998, le

pilote est maintenant dans l'aéronef, on va pouvoir décoller dès que la tour de contrôle le permettra.

Zinzin amène son appareil en bout de piste. Auparavant, il souhaite la bienvenue à bord :

« Ici Zinzin et son équipage. Nous sommes heureux de vous accueillir à bord. Nous espérons que

vous volerez jusqu'au bout en notre compagnie ».

Les passagers ne mouftent pas trop devant le petit mot d'accueil.  Il s'agit pour le moment de

discutailler de comment on voit l'évolution des salaires pour l'année qui vient, c'est le rituel chaque

année , on verra après à parler temps de travail, on ouvrira les négos là-dessus en début d'année

1999. Bon, ça l'air de rien, mais le salaire, c'est pas toujours (c'est plutôt rarement), un sujet

qu'on sent suel. Là, ça risque de souquer un brin.

Parce que c'est pas facile tu vois de comprendre le pourquoi du comment de la manip qui fait que,

de toute façon, nos salaires, comparés à ceux des autres boîtes dont auxquelles il est convenu de

faire révérence, sont un peu hauts, considéré le fait qu'on tient compte de l'évolution passée du

marché, qui était à l'époque une projection, et qu'il convient d'anticiper en avance un possible

recul de l'augmentation des dits salaires sur l'année qui vient, et c'est donc pourquoi on vous fait

la propale suivante, qui contient certes pas mal d'augmentations de médianes de 0%, mais si on

suivait la ligne pure et dure des policies HP, c'est même des augmentations négatives qu'il faudrait

par-ci par- là etc etc....

Là-dessus La Rognée prend la parole : « Le marché du travail est contrôlé par le patronat, alors

il baisse ». Bon, est-ce qu'il aurait compris quelque chose lui ? - mais voilà que, n'ayant pas rendu

la parole qu'il avait prise, il continue : « Je vous pose la question traditionnelle de chaque année :

comment ça se fait qu'on est toujours en avance sur le marché, et en même temps on est toujours

en retard ? Même Einstein ne s'y retrouverait pas ». Nouvelles explications. Mais La Rognée

pense ce qu'il pense : « Vous ne vous foutez pas de notre gueule, par hasard ? »

Hasard ou nécessité, le débat continue : bon, on va retirer les nouveaux embauchés et les

promotions, faire du présent/présent pour comparer ce qui est comparable, vous donner tous ces

chiffres bruts de bruts, - ça n'empêche pas certains  de penser en leur for intérieur que les chiffres

c'est comme le bikini, ça cache autant que ça montre, et les voilà à faire un break mental  vers

d'autres perspectives : sous la plage les pavés peut-être, mais sur la plage, celle-là elle est quand

même bien équipée, dénégate pas y a vraiment de quoi fantasmasser, munie en flotteurs avec ça,

t'as du flou dans le vaporisateur va falloir redresser ton mental en foirade, donc, oui bien sûr, il faut

revoir les chiffres, et quant aux projections de salaires, « ce ne sera pas la même chose l'année

précédente », puisqu'on le dit ah bon.

Mais vient une autre affaire. Il faut expliquer maintenant qu'on ne prendra plus en compte le CPS

[le cash profit sharing] dans  les données salariales, alors ça sent encore la manip. La Rognée,

décidément en verge, de lancer une nouvelle tirade. Il demande « d'où vient cette décision,  pour

savoir à quelle sauce les employés vont être mangés ». Le Big réplique qu'on fait un procès

d'intention. Mais non, ce n'est pas l'intention de La Rognée : « Il n'y a pas de procès d'intention,

il n'y a rien... ».  Mais un peu plus tard, dans le débat, après avoir demandé : « C'est quoi l'objectif,

grosso modo »,  il se reprend : « Il n'y a pas de procès d'intention, il y a procès tout court ». 

Bon c'est clair au moins.

Les associés des CéGéTeux s'en prennent quant à eux à Time&Labour [système de contrôle des

temps], expérimenté dans le commercial. La preuve que la direction manipe, c'est que, « après la

nouvelle rilise, les caractères sont plus petits, on ne peut plus lire sur l'écran ». Evidemment, vu

comme cela...

On en revient aux structures  salariales. Les propales ont jeté un froid. Les CéQFDéTés, qu'on avait

peu entendus, s'inquiètent pour les « petites boîtes » : « Ce n'est pas suffisant... J'ai  pas bien

entendu quelle était la proposition ? ». La Bergère voit rouge : « Il y a des gens qui vont voir ailleurs

parce que l'herbe est plus verte ».

Là-dessus on décide d'un break. Un peu agité (avant de servir) côté direction. Finalement, on revient

avec de nouvelles propales.  Nouveau break, probablement un peu agité cette fois-ci côté locdus,

vu la longueur de la chose.

Au retour, après avoir reconnus « un certain effort », les locdus comme un seul homme posent leurs

conditions. C'est pas tout, si on veut « un dialogue riche » (riche en péripéties ?), alors il faut parler

ranking et même scoping, parce que, tu vois, on peut subodorer qu'il y a comme une liaison entre

scoping, ranking et salaires. Comme on parle salaires, parlons donc scoping et ranking.

Pour ce qui est du scoping, c'est clair, et carrément un « point bloquant », il faut  n-é-g-oc-i-e-r  le

scoping européen. Pour ce qui est du ranking, ils ne veulent  plus du « ranking relatif » (çà va être

difficile, parce que tu connais, toi, un ranking, c'est-à-dire un classement, qui ne soit pas relatif ?).

Enfin les salaires, ça a probablement à voir avec les matrices. Alors, ils veulent participer à la

construction des matrices : çà, ça va être très difficile, parce qu'on ne peut tout de même pas leur

donner les ficelles [Noter la subtilité du style : il y a "çà" et "ça". Cà n'est pas la même chose; ça est

une forme syncopée de cela; il peut aussi désigner, en psychanalyse, l'ensemble des pulsions

inconscientes (le ça, le moi et le surmoi); quant à çà c'est soit un adverbe de lieu ("viens-çà que je voie")

soit une interjection ("çà, allez-vous vous taire").

En plus, La Rognée aimerait, lui, « reparler du temps de maturité » : çà, encore

un truc où on n'est pas si bien que ça, parce que, comme disait l'autre, « la maturité, c'est long,

surtout vers la fin ». Un autre a remarqué, « entre parenthèses », que ce n'est pas parce qu'on

augmenterait à vau-l'eau les salaires, qu'on diminuerait le profit, vu que des gens motivés, c'est

mieux pour faire du profit que des serpillières.

Avec tout cela, les locdus ont posé leurs conditions. Mais la suite ne leur donnera pas une

satisfaction satisfaisante. Ils ne signeront donc pas d'accord sur les salaires. Bon. Noël arrive

et le nouvel an, il est temps de songer à d'autres festivités, n'est-il pas ?