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(Ko-yaa-nis-qatsi, de « Ko-yaa-nis » : déséquilibre ou folie, et « qatsi » : vie)

Publié le 10 décembre 2012 par Masterpitch

C’était un vieil homme, il est mort. Toute sa vie durant il avait nourri des rêves, les rêves les plus fous, les plus téméraires. Mais ce n’étaient que des idées, des illusions, des phantasmes. Il était lâche. Lâche et gauche. Si je dis que c’était un vieil homme, c’est parce que je ne l’ai connu qu’âgé et décrépi. Il était poète, parfois talentueux. Il avait fait un film. Il savait beaucoup de choses, il en comprenait beaucoup surtout. Je ne connais personne qui ne l’aimât. Et des ces mêmes personnes, je n’en connais aucun qui ne le détestât. Il était fatigant, pesant, éternel assisté, incertain chronique, morphinomane génétique. Il était poète. Il avait fait un film. Séminariste interlope, bavardeur mystique, introverti séducteur. Il a eu des amis en pagaille. Quand je l’ai connu, moi, il n’en avait pas un. Nous étions d’ailleurs très peu à ses funérailles. Ses parents, sa sœur et moi. Tout le monde s’accordait à dire que c’était un génie. Peut-être aurait-il préféré ne pas l’être. Il était poète. Il avait fait un film. Il avait voyagé. Beaucoup voyagé. Confortable nulle part, à son aise avec personne, mais farouchement empathique. Il absorbait les cultures, ressentait les malaises. Opprimé comme l’autochtone, étranger comme le touriste, chahuté comme l’ambassadeur. Il a photographié l’Inde, visité le Pérou, il s’est exilé en Ethiopie, en Lybie, en Mongolie, il est allé jusqu’en Malaisie, en Nouvelle-Guinée, en Guinée Equatoriale, en Mauritanie, en Allemagne, en Ecosse, il avait entendu parler de Hawaï et des îles Marquises, il connaissait la France dans ses moindres recoins. Il était poète. Il avait fait un film. Il racontait l’espace, qu’il ne connaissait pas. Il prédisait l’avenir, décrivait le firmament. Certains le prenaient pour un sage, tous disaient qu’il était fou, ou du moins, malade. Il aimait la musique, maitrisait le piano, avait pratiqué l’accordéon. Il avait composé une ode à Mélété, il préférait Mnémé, mais ne savait que lui chanter. Il était poète vous dis-je. Il avait fait un film. Il paraissait égoïste et était généreux. Il semblait laid, il était beau. Il ne fut pas reconnu, il était talentueux. Comme la terre, comme le monde, comme la civilisation, sa vie n’était que destruction. C’est de ce ravage qu’il faisait jaillir la beauté. Comme le chant du cygne, comme le brame du cerf, fils maudit d’Aédé, sa vie, son œuvre, était un Requiem. Il était poète. Il avait fait un film…


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