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Le retour en force des idées aristocratiques et autoritaires

Publié le 13 décembre 2012 par Despasperdus

A l'heure où la désinformation médiatique tourne à plein de régime pour légitimer une intervention militaire occidentale contre le régime de Bachar el-Assad ou la colonisation illégale au regard du droit international des terres palestiniennes par le gouvernement extrémiste d'Israël, il n'est pas inutile de lire Pour une lecture profane des conflits (sur le « retour du religieux » dans les conflits contemporains du Moyen-Orient) de l'économiste et historien Georges Corm.

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L'auteur n'épargne pas l'idéologie dominante du choc des civilisations et de la globalisation qui est apparue après la chute du bloc soviétique. Il décrypte le prêt-à-penser très grossier des intellectuels en cour et des médias dominants pour justifier les inégalités sociales, les conflits armés, le dénigrement de certaines populations, et l'utilisation à géométrie variable du droit international pour asseoir la domination étasienne et le néocolonialisme. Et surtout, il montre combien le supposé retour des religions est une invention intellectuelle.

Mais plutôt que de commenter, voici quelques extraits du 1er chapitre pour vous donner l'envie d'en lire plus :

« Depuis l'effondrement de l’URSS, un vide gigantesque s'est manifesté brutalement dans l'ordre international. L'Occident, n'ayant plus un contradicteur menaçant, s'est vu en péril, sa dynamique culturelle, militaire, philosophique a été menacée. Aussi, fallait-il un chef de guerre et un nouvel ennemi redoutable. C'est chose faite avec l'islamisme, mais la légitimité de la nouvelle dynamique mise en place a eu besoin du retour du religieux et de sa manipulation, du retour sous de nouveaux atours des théories anciennes sur la hiérarchie des peuples et des races et des religions, renouant ainsi avec tout le patrimoine anti-Lumières que la révolution française avait contribué à souder contre elle. Il a suffi de puiser dans ce patrimoine abondant pour bricoler la nouvelle idéologie autoritaire qui s’est mise en place à partir des États-Unis et qui trouve en Europe de nombreux partisans. Philosophes, historiens, sociologues, souvent d'anciens marxistes reconvertis, se sont dévoués pour cette renaissance de la pensée antihumaniste. Cette dernière prend, bien-sûr, les allures d'un humanisme nouveau, se voulant bien supérieur à l'ancien, dénoncé comme utopique et progressiste. Ces deux qualificatifs jettent aujourd’hui immédiatement le discrédit sur celui dont la pensée se réclamait encore des idéaux des Lumières iu de la révolution française. »

(…)

« Les néolibéraux de toutes sortes ne plaident-ils pas avec passion que liberté et égalité sont inconciliables, voire que toute tentative d'organiser la société pour assurer une égalité des chances réelle entre individus et pour promouvoir et protéger les activités productrices est un chemin qui mène inéluctablement à la dictature totalitaire et à l'appauvrissement économique ? Derrière cette attitude, qui constitue une démission par rapport à l'humanisme de la philosophie des Lumières, n’y-a-t-il pas une nostalgie des ordres, des castes, des particularismes, de la noblesse, qu'elle soit d'argent, d'esprit ou de naissance ? N'est-ce pas cette nostalgie qui revient dominer la scène politique et intellectuelle sous couvert d'achèvement de la démocratie ? Les théoriciens de la logique individualiste censée caractériser la démocratie postmoderne ne sont-ils pas ceux qui donnent à cette nostalgie sa légitimité et son prestige ?Les médias modernes ne sont-ils pas la caisse de résonance toujours plus avide d'étaler ces différences qui se reconstituent, de montrer que le monde appelé moderne des valeurs républicaines d'égalité et de fraternité est une Atlantide perdue, sinon un mirage ? Au mieux l'objet de grands carnavals folkloriques, comme le furent les célébrations du bicentenaire de la Révolution française en 1989. Hélas, dans la cacophonie intellectuelle dans laquelle nous vivons, nous assistons à ce nouveau paradoxe d'une démocratie individualiste qui minimise les vertus de la laïcité et encourage les communautarismes et la reconstitution des castes, des ordres et des différences, au nom même de l’individualisme. »

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(…)

« L'idéologie de la « globalisation » économique se réclamant des traditions libérales de Montesquieu et d'Adam Smith couronne l'édifice idéologique nouveau auquel est désormais confronté l'humanisme traditionnel issu de la philosophie des Lumières et des traditions révolutionnaires françaises. La globalisation ; en effet, prospère sur la « marchandisation » des différences, qu'elles soient ethniques ou religieuses, ou ayant trait au gouffre d'argent et de richesses qui séparent les nouvelles castes que nous avons évoquées ci-dessus. »

(…)

« Oui, vraiment, les ruses de la raison antiégalitariste sont surprenantes. La logique de la démocratie individualiste vient désormais servir la légitimité au rétablissement des différences entre les hommes dans leurs expressions des plus crues et les plus vulgaires. Ce qui est choquant ici, ce n'est point la reconnaissance du pluralisme social dans les sensibilités et les comportements, c'est l’habillage démocratique qui sert à légitimer la destruction des anciennes valeurs républicaines, à enterrer les symboles majeurs de la Révolution française qui ont mobilisé les esprits et enflammé les cœurs au 4 coins de l'univers. »


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