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Le Manifeste du Coopératisme (redif)

Publié le 25 novembre 2012 par Monarchomaque

Dans le but de diffuser sa vision de la société, et ainsi renforcer le mouvement, le Conseil Supérieur de la Coopération produit en 1940 un manifeste autour duquel doit graviter les principes de base du mouvement coopératif. Un voici le texte.

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Pour que le mouvement coopératif devienne puissant dans notre province, il faut absolument que tous nos coopérateurs s’entendent sur les mêmes principes essentiels. Or, préciser et répandre la vraie doctrine coopératiste, voilà un des principaux objectifs que s’est fixé le Conseil Supérieur de la Coopération. C’est pourquoi ce Conseil a jugé bon de formuler une déclaration de principes, basée sur des définitions essentielles, proposant ainsi la doctrine qui doit inspirer tout le mouvement coopératif québécois.

La coopération est un acte. Cet acte est accompli par et dans une institution coopérative. Le coopératisme est un système économique édifié avec des coopératives.

I — LA COOPÉRATION

Pris dans son sens large, le mot coopération signifie collaboration ou acte par lequel plusieurs personnes unissent leurs efforts et leurs ressources en vue d’une même fin, en quelque domaine que ce soit.

Cependant, lorsqu’il est employé dans le mouvement coopératif, ce mot comporte une acceptation plus précise et bien particulière. Il signifie alors une forme démocratique de collaboration poursuivant directement des fins économiques et indirectement des fins sociales. Les quatre mots soulignés, exprimant les caractères essentiels de la coopération, exigent quelques explications.

  1. Collaboration : C’est-à-dire, selon la définition présentée plus haut, un acte par lequel plusieurs personnes unissent leurs efforts et leurs ressources en vue d’une même fin. Bien qu’essentiel à la coopération, ce trait ne lui est pas spécifique. On le retrouve également dans le système capitaliste.
  2. Démocratique : D’après le sens donné par la coutume et la raison à tout ce qui s’appelle démocratique, l’on veut indiquer ici que la collaboration doit être faite par le peuple et pour le peuple, mais en mettant principalement l’accent sur l’expression par le peuple, parce que nous avons là le caractère qui spécifie la coopération et la différencie des autres formes d’organisation économique : le contrôle démocratique, ainsi que les coopérateurs se plaisent à l’appeler en bref. Dans la collaboration capitaliste, au contraire, le contrôle est réservé à une oligarchie ou à un petit groupe de détenteurs de capitaux. De son côté, l’expression pour le peuple signifie que la collaboration dont il s’agit doit, comme d’ailleurs toute autre formule d’action économique, servir le peuple. En quel sens ? Nous allons le préciser par les deux autres caractères essentiels de la coopération.
  3. Poursuivant directement des fins économiques : la coopération est proprement et avant tout affaire d’ordre économique. Sa fin immédiate, c’est la prospérité matérielle du peuple.
  4. Poursuivant indirectement des fins sociales : en effet, le seul fait de travailler à la prospérité économique du peuple constitue une contribution sociale de première importance. De plus, la coopération faisant naître chez le peuple des habitudes de compréhension, d’entr’aide et d’action concertée fournit un remède des plus efficaces contre les maladies sociales qui s’appellent l’individualisme, la mésentente, la lutte des classes, l’égoïsme, etc. Enfin, les vrais coopérateurs, sachant bien que l’ordre économique est essentiellement lié à l’ordre social, ne peuvent pas ne pas se sentir l’obligation de travailler en même temps pour l’ordre social, soit par des œuvres d’éducation, de bienfaisance, etc.

En somme, dans la coopération, c’est au peuple qu’on demande de collaborer pour assurer lui-même son propre salut économique et social. Et on lui propose un moyen bien précis d’organiser cette collaboration : l’entreprise coopérative, formule institutionnelle qui ne veut être qu’une mise en œuvre et une concrétisation des données fondamentales présentées ci-haut.

II — LA COOPÉRATIVE

1. Définition

La coopérative est une association libre de personnes possédant une entreprise économique qu’elles dirigent et contrôlent démocratiquement pour la mettre à leur service ainsi qu’au service de tout le peuple.

  1. Association libre : non imposée par des lois, par des décrets ni aucune forme de contrainte comme cela arrive dans les régimes collectivistes et totalitaires.
  2. Une association de personnes, et non une société anonyme de capitaux : d’où le caractère éminemment humain de la coopération.
  3. Possédant une entreprise : c’est-à-dire que chaque coopérateur devient, pour une partie, propriétaire de l’entreprise, et c’est sur ce titre que se fondent son droit comme aussi son devoir de diriger et de contrôler l’entreprise. La coopérative reconnaît ainsi admirablement les responsabilités qui sont essentiellement liées à la propriété. De plus, la coopérative, n’exigeant de chaque coopérateur qu’un apport peu élevé de capital-action, constitue un excellent moyen de diffuser la propriété et de multiplier les petits propriétaires. Les pauvres comme les riches peuvent avoir accès à la coopération.

2. Principes essentiels

Dans la définition précédente le caractère spécifique, distinctif, de la coopération est indiqué par l’expression : diriger et contrôler démocratiquement. À remarquer que l’on distingue ici la direction-contrôle d’avec la gestion (comme en anglais il y a distinction entre to control et to run a business). Dans une coopérative le peuple ne gère pas lui-même directement. Il choisit des experts pour accomplir cette gestion, mais en se réservant le droit de les diriger et de les contrôler comme aussi de diriger et de contrôler la marche générale de l’entreprise (par l’assemblée générale et le bureau des directeurs).

I — Cette donnée basique de la direction et du contrôle démocratiques contient et implique nécessairement certains principes qui deviennent de ce fait essentiels à une coopérative :

  1. Attribution d’un seul vote à chaque membre : afin de laisser vraiment le contrôle au peuple des coopérateurs et de ne pas risquer que ce contrôle passe entre les mains des plus gros détenteurs de capitaux.
  2. Liberté d’entrée et de sortie : pour être vraiment démocratique, la collaboration doit être librement offerte à tout le peuple. Cependant, il va sans dire que cela ne comporte pas l’admission de personnes sérieusement nuisibles aux intérêts de la coopérative.
  3. Non-confessionnalité, neutralité politique et ethnique des coopératives : c’est en tant que consommateurs, ou producteurs, ou épargnants que les coopérateurs s’unissent et non pas en tant que catholiques ou protestants, libéraux ou conservateurs, Français ou Anglais, etc. [???]
  4. Éducation des coopérateurs : afin de les rendre plus capables de diriger et de contrôler l’entreprise de façon compétente, comme aussi afin de propager l’idéal coopératiste et de recruter des membres bien avertis.

II – À son tour, la finalité démocratique de la coopérative (pour le peuple) vient exiger deux autres principes que l’on doit ajouter aux précédents. Cette finalité démocratique veut que le peuple reçoive de la coopérative le meilleur service possible au plus bas coût possible. C’est pourquoi la coopérative compte encore parmi ses devoirs essentiels :

  1. La distribution à chaque membre des trop perçus (ristourne) au pro- rata des affaires transigées avec lui : la coopération ne vise pas à faire des profits mais à servir ses membres. Aussi bien, elle doit, après avoir défrayé les dépenses et mis de côté les réserves nécessaires, remettre à ses membres ce qu’elle a perçu en trop lors des transactions.
  2. Limitation du taux de l’intérêt sur le capital : la coopérative veut servir les hommes avant de servir les capitaux.

III — Méthodes : Outre les principes essentiels énoncés plus haut, les coopératives ont l’habitude, pour mieux atteindre leur fin et constituer une meilleure affaire, de suivre certaines règles ou méthodes qui leur sont fortement recommandées. Cependant manquer à ces méthodes pour des raisons graves ne saurait empêcher les coopératives de rester de vraies coopératives :

  1. Vente au prix courant.
  2. Achat et vente au comptant : ainsi que l’exige toute saine administration. [Pour éviter l'endettement et la surconsommation.]
  3. Pas de vote par procuration : afin de mieux garantir le contrôle démocratique.
  4. Attribution de fonds à des œuvres sociales : pour mieux assurer la finalité sociale de la coopération.

III — LE COOPÉRATISME

On appelle ainsi un système économique basé sur l’idée de coopération et édifié avec des institutions coopératives, i.e., organisant la production, la distribution et la consommation selon la formule coopérative.

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« Si le mouvement coopératif a su résister au socialisme, à la lutte des classes et au passage du temps, peut-être est-ce justement parce qu’il n’est pas sorti de la cervelle de quelque savant ou réformateur, mais des entrailles du peuple. »

Le coopératisme : une vieille idée qui a beaucoup d’avenir


Classé dans:Économie

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