Second Amendment

Le 26 novembre dernier était à marquer d’une pierre blanche. Ce jour là, la police de New York n’a enregistré aucune mort violente, par arme à feu ou arme blanche pendant plus de 24 heures. Une première historique dans les registres de la ville et, peut-être, une première mondiale dans une ville de plus de 8 millions d’habitants. En 2012, New York a retrouvé son taux de criminalité le plus bas depuis 1960.

Le 14 décembre dernier est à marquer d’une pierre noire. Vendredi, un meurtrier a tué au hasard 26 personnes dans une école de Newton, Connecticut, dont 20 enfants âgés de cinq à dix ans. Newton compte moins de 2000 habitants… 1960, exactement.

Quand on a des enfants de cet âge qu’on emmène à l’école chaque matin, il faut faire un effort considérable pour ne pas laisser l’émotion submerger la raison. Il faut se souvenir des nouvelles du 26 novembre à New York pour trouver une raison de croire que le pays n’est pas en train de sombrer dans la violence gratuite. Il faut compiler les statistiques pour réaliser que nos enfants ne sont pas plus en danger aujourd’hui qu’hier. Et plutôt moins. Après tout, « moins de 100 personnes » meurent chaque année dans de telles fusillades aveugles. Les « mass shootings » sont une goutte d’eau dans l’océan statistique de la violence du pays. Et même si les Etats-Unis occupent une solide première place au hit parade de la violence dans les pays de l’OCDE avec 9 morts par arme à feu pour 100.000 habitants, ce n’est jamais « que » trois fois plus qu’en France, seulement une fois et demi plus qu’en Suisse (oui, la Suisse !) et à peine un peu plus qu’en Finlande !

C’est rassurant les statistiques. C’est rationnel. On regarde la courbe et on se dit que ça va mieux. Avec les statistiques, on peut regarder ses enfants et calculer que le risque qu’un dingue armé jusqu’au dents émerge d’une petite communauté de 1960 habitants pour les flinguer à l’aveuglette est de zéro. Zéro virgule zéro, zéro, zéro et zéro. Ils ont plus de chance de gagner au loto ou de remporter un Oscar de meilleur acteur. Beaucoup plus.

Mais malgré les statistiques, on ne peut s’empêcher de regarder les visages des 20 enfants de Newton et partager l’opinion de ce spécialiste de la sécurité dans les établissements scolaires :

When you allow absolutely insane people to arm themselves like they’re going to war, they go to war. »

Lorsqu’on autorise les dingues à s’armer comme s’ils partaient en guerre, ils partent en guerre.

Dans les semaines qui viennent, on débattra sans doute à merci de la nécessité de restreindre la liberté de posséder une arme à feu dans ce pays. On a déjà commencé. Il y aura ceux pour qui chaque instituteur devrait avoir une arme à portée de main pour défendre sa classe. D’autres exigeront davantage de restrictions au Second Amendement de la constitution, qui fait de la liberté de posséder une arme un droit élémentaire du citoyen. Tous exigeront plus de sécurité dans les écoles.

Je ne sais pas si un garde armé dans chaque école ou une abrogation du second amendement peuvent protéger des enfants contre 26 secondes de folie meurtrière. 26 secondes à l’arme automatique. 26 morts… On ne peut être certain que d’une chose : plus il y aura de fous, plus il y aura de folies.