Une petite fille joue dans le labyrinthe d’une église à un enterrement. Celui précisément de sa mère. La petite fille cavale doucement. Un pied puis l’autre. Elle sautille. Bien sûr, elle sait. Ce n’est pas la peine de lui parler de ciel, d’au-delà et de paix enfin trouvée. Ce qu’elle veut avant tout, elle, c’est la guerre. Les cris, la rage, le sang, le bruit des bombes qui tonnent. Elle n’a pas besoin d’hurler mais elle refuse de rester endossée sur sa chaise. Comme les grands. Elle veut entendre le claquement continu de ses souliers sur les dalles, noires et puis blanches, de la pierre et puis du marbre. Elle court maintenant. Les vieilles schnocks lèvent les yeux vers ce fameux ciel qui tarde, elles aux culs bordés de nouilles, à les reprendre. Mon Dieu, quelle indécence ! Le père de la petite fille monte à la chaire pour y prononcer les derniers mots. Ses adieux publics à sa femme. On dirait un accusé à un tribunal, se dit la petite fille, ça ne va pas. Et puis, ça lui prend soudain. Le mot se bouscule dans sa tête et veut sortir. Elle ne peut retenir. Il se déverse de sa bouche comme une diarrhée verbale : merde, merde, merde… Elle en a aussitôt envie. Elle n’est plus un bébé pourtant. Elle devrait avoir honte pas d’un tel besoin -ça, Maman lui a toujours dit que c’était bien, très bien même, tu as fait une belle crotte, ma chérie- mais d’une telle envie : faire caca ici sur le sol nu de l’église. Elle se fiche qu’on la gronde. Il lui paraît évident que c’est ce qu’elle doit faire. Elle baisse son collant, sa culotte, toute seule comme une grande, et elle chie sous les chants d’appel à la miséricorde. Un fumet s’échappe de son petit tas. Elle s’essuie avec un mouchoir. Elle n’est pas un chien tout de même. Elle part se réfugier dans les bras de sa grand-mère qui pleure au premier rang. « Ah, ma petite crotte, te voilà ! Où étais-tu ? » Sur les genoux de son aïeule, la petite fille chantonne. Une comptine pour se calmer : « maman est en haut, papa est en bas, qui fait du chocolat… » En boucle. Elle ne se souvient plus des autres paroles.