The Mill House
Tidmarsh
Pangbourne
21 décembre 1917
Pourrais-tu l’un de ces jours expédier le
Général1 à cette adresse ?
Ce n’est pas pressé.
Me voici installé et au trente-sixième dessous. La nature est transformée en croûte, les « conduits » sont gelés, et il fait si froid que des glaçons coulent de mon nez (pour ne rien dire des autres parties de mon anatomie). Ma compagne… mais voilà que le dégel a commencé, de sorte que les « conduits » (de quoi peut-il bien s’agir ?) vont sans doute éclater et nous apporter le déluge ; mais passons. Ma compagne, disais-je, se tient chaud en déballant les paquets, en peignant, en élaguant la vigne vierge, en plantant des clous, etc.
Demain soir [(?) James et] Alix arrivent… que [vont] – ils faire, je suis en peine de l’imaginer [illisible], etc. J’essaie de me consoler avec les lettres de la reine Victoria… mais je préfèrerais les tiennes. Je t’en prie, écris. Je reste ici pour encore au moins une semaine ; pour le nouvel an, sans doute suis-je condamné à Garsington ; après, retour ici. Je continue à croire que je pourrai travailler dans cette retraite, quand tous les clous auront été plantés. Nous verrons.
Tu as certainement reçu Ad Familiaresé2. Bonté divine ! Quel… mais tout brillant commentaire est superflu, et puis, ton indiscrétion bien connue… Je réserve mes commentaires. Mais comment est-on censé répondre ? J’aimerais bien avoir un petit conseil. Autrement, « Le Bougre Marié »3 ferait peut-être un bon titre.
Veux-tu bien dire à Léonard que je suis vraiment désolé de n’avoir pu rendre visite à Philip4. J’avais très peu de matinées, et elles étaient toutes prises. Je suis très content qu’il aime Gordon. L’as-tu déjà lu ? Ma crainte est qu’il puisse être emphatique par endroits. Le penses-tu ? Il y a des passages où les adjectifs se pressent un peu trop, et le style, lui, est trop dense tout du long – si tu remarquais des choses de cet ordre, des modifications sont encore possibles. Ou bien autre chose encore. Tu vois [il y a quantité de sujets] sur lesquels m’écrire, il faut vraiment que tu le fasses. C’ [est (mots illisibles)] de communiquer si rarement avec toi ; mais à mon avis, cette façon de faire vaut encore mieux que rien.
Qui séjourne chez [vous] ? Subissez-vous également le froid et l’humidité ? Ou bien essaieras-tu de me persuader que le soleil brille sur vos collines ? Tu ne me feras pas croire ça. Je suppose que tu vas voir Nessa et Duncan, avec Maynard en extra, qui cadre à merveille dans le tableau. Ah, Grand Dieu ! Je dodeline de la tête devant le feu tandis qu’elle coud une pièce au tapis avec une application… Ah, la vie ! À chaque minute qui passe, elle m’étonne un peu plus.
TonLytton
[L’original est très endommagé par des traces d’humidité et illisible par endroits.]
Virginia Woolf — Lytton Strachey, Correspondance, Le Promeneur, Éditions Gallimard, 2009, pp. 91-92. Édition de Leonard Woolf et James Strachey. Traduite de l’anglais, complétée et annotée par Lionel Leforestier.
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1. Le tapuscrit de « La fin du général Gordon » que Lytton avait apporté à Richmond, en visite chez les Woolf, le 9 décembre.
2. Le recueil de poèmes que venait de publier Clive Bell.
3. Lytton écrivait une courte pièce destinée à être jouée par Lala Vandervelde (l’épouse de l’homme politique belge Émile Vandervelde) et St.John Hutchinson lors d’un gala de charité ; il substitua finalement au Bougre Marié, représentation burlesque de son ménage avec Carrington, Quasheemaboo ou le Noble Sauvage.
4. Philip Woolf (1889-1965), le plus jeune des cinq frères de Leonard, il servait dans les Royal Hussards, et venait d’être rapatrié après avoir été blessé à la bataille de Cambrai (par le même obus qui coûta la vie à son frère Cecil).
VIRGINIA WOOLF
Image, G.AdC
■ Virginia Woolf
sur Terres de femmes ▼
→ 25 janvier 1882 | Naissance de Virginia Woolf
→ 14 décembre 1922 | Première rencontre Virginia Woolf-Vita Sackville-West
→ 18 février 1927 | Lettre de Virginia Woolf à Vita Sackville-West
→ 5 mai 1927 | Virginia Woolf, La Promenade au phare
→ 11 septembre 1940/Virginia Woolf, Journal d'un écrivain
→ 28 mars 1941 | Mort de Virginia Woolf
→ 21 septembre 1993 | Orlando de Virginia Woolf, au Théâtre de L’Odéon
→ Sombrer dans le bleu (note de lecture sur Le temps passe)
→ Virginia, lectures croisées
■ Voir | écouter aussi ▼
→ la voix de Virginia Woolf => ICI (document BBC Four du 29 avril 1937). Document d'archives également accessible sur YouTube
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