Manifeste pour une Église dans le monde de ce temps

Publié le 23 décembre 2012 par Perceval

Ce manifeste émane des membres du Réseau des Forums André-Naud (RFAN) - (théologien québécois André Naud) -, ils cherchent à promouvoir la liberté de pensée et d’expression dans l’Église, notre Institution. Lors de leur dernière assemblée générale tenue le 24 octobre 2012, après un an de travail en commun, ils ont décidé d’adopter leur Manifeste pour une Église dans le monde de ce temps, inspiré par celui des 300 prêtres autrichiens. Ce Manifeste contient quatre souhaits, sept engagements et un grand désir.


Mise en contexte

Il y a de quoi se décourager et pourtant nous ne le sommes pas. Présentement la douleur du Monde est grande et ses leaders officiels sont capables de s’enfoncer creux dans le mensonge pour ne pas apercevoir sa détresse. Nous ne sommes pas découragés parce qu’ici et là des femmes et des hommes, beaucoup de jeunes, refusent de devenir des morts vivants, des robots « qui font la job. » Un vent de Pentecôte s’est levé, une mouvance se dessine sur tous les continents, un cri surgit du cœur de la Terre : « Sors de ce tombeau! » Les différentes Églises, dont la nôtre, n’y échappent pas : Autriche, France, Etats-Unis, Irlande,… Avec les ans et le « succès », notre Institution a dérapé, elle a quitté le Monde, elle s’est accaparé l’Évangile pour en faire son affaire à elle alors que l’Évangile appartient au Monde. Par le Prophète de Nazareth et cet Évangile, Dieu nous a exprimé ce qu’il veut : une humanité réconciliée.

Texte du Manifeste

Pour nous, membres du Réseau des Forums André-Naud, « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes (et des femmes) de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux (et celles) qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho » dans notre cœur. Ce texte extrait du document conciliaire L’Église dans le monde de ce temps (paragraphe 1) et l’esprit des autres documents de Vatican II, la Parole de Dieu et l’écoute du Peuple de Dieu qu’on appelle le  sensus fidelium nous poussent à une quête de vérité.

 Nous demandons aux premiers responsables de l’Église catholique, dont nous sommes aussi membres par notre baptême, de s’atteler à une urgente et nécessaire reforme ecclésiale qui permettrait aux disciples du Christ de collaborer à l’instauration d’une fraternité universelle dont l’Homme de Nazareth avait fait sa grande préoccupation. Lors de son dernier repas avec les siens, quel message il nous a laissé avec le tablier, le pain et le vin! Par fidélité au Christ, à l’Évangile et à l’institution qui tente de le manifester AUJOURD’HUI, nous nous sentons obligéEs de déclarer à nouveau nos options et nos choix. : n’est-ce pas une loi de la vie que de recommencer?

Nous souhaitons que dans l’Église l’autonomie de l’être humain et l’importance de saconscience soient au centre de nos orientations et de nos décisions d’agir, une conscience de disciple « qui repousse vigoureusement tout juridisme étroit et mesquin qui perdrait de vue le primat de l’amour généreux sur les règles concrètes d’action.[1]» Le Christ ne donne pas un long code de conduite, mais beaucoup d’exemples d’humanité.

Nous souhaitons que l’égalité femme/homme reconnue dans la société civile le soit autant dans notre Institution ecclésiale.

Nous souhaitons que la décentralisation de l’Institution ecclésiale (avec les siècles devenue romaine et gérée par la Curie) se traduise progressivement par une prise en charge de chaque communauté chrétienne par ses membres, selon leurs talents et leur disponibilité.

Nous souhaitons que nos évêques prennent une plus grande liberté face au gouvernement central de notre Institution et une plus grande implication, associés aux laïques, dans les enjeux de notre société québécoise. « Dans l’état actuel des choses et de la législation de l’Église, le pape et les évêques ont le devoir d’être prêts à reconsidérer les règles qui concernent la « juste » liberté  de pensée et d’expression dans l’Église.[2] »

Conséquemment nous nous engageons à réaliser ce qui suit.

1.   Promouvoir partout et en tout temps l’importance de la conscience éclairée de disciple, de l’égalité femme/homme, de la décentralisation dans notre Institution ecclésiale, et de la liberté de pensée et d’expression dans notre Église.

2.   Intervenir sur le terrain pour favoriser l’existence de communautés chrétiennes à taille humaine capables, dans un climat de coresponsabilité, de répondre à leurs propres besoins même dans un contexte de fusion de paroisses (distribution des tâches pastorales, reconnaissance de ministères propres à une communauté, consultation pour le choix du pasteur, célébration de la Parole avec communion, célébration conjugale,…). La liberté d’action évangélisatrice des communautés chrétiennes repose sur la connaissance des personnes, de leurs besoins, de leurs aspirations, de leurs joies et de leurs peines.

3.   Accueillir ouvertement dans leurs différentes situations de couples les personnes séparées réengagées, les personnes homosexuelles, les personnes vivant en union de fait,… qui cheminent dans la communion au Christ à la table eucharistique.

4.   Promouvoir la célébration du pardon de Dieu avec absolution collective.

5.   Inviter des laïques formés de nos communautés à prononcer une homélie.

6.   Promouvoir la réinsertion dans l’exercice du ministère presbytéral des prêtres qui ont quitté le ministère et qui pourraient aujourd’hui être mariés.

7.   Nous exprimer en faveur de l’ordination diaconale des femmes, ainsi que de l’ordination presbytérale de femmes mariées ou célibataires et d’hommes mariés.

Nous désirons poursuivre ce dialogue déjà amorcé avec l’ensemble du Peuple de Dieu et nous invitons nos évêques à se joindre à cette démarche.

1. NAUD, André, Le magistère incertain, Fides 1987, p. 250.
2. NAUD, André, Pour une éthique de la parole épiscopale, Fides 2002, p. 24.