Les Kora Awards, telles que je les ai connu, remontent à quelques années. Ils faisaient partie – avec Miss Malaïka (South Africa) – des cérémonies de récompenses africaines que je ne loupais jamais ! Y avait d’abord la qualité de l’image, ensuite la scène grande et spacieuse, ainsi que les paillettes, le glamour.. bref, on nous vendait du rêve et de l’Afrique en même temps. Ces deux événements avaient pour point commun d’être organisés en Afrique du Sud, cela expliquerait peut-être leur qualité. Toujours est-il que les 2 cérémonies ont disparu entre temps.. Les Koras ont eu lieu au Burkina Faso en 2010 mais on ne peut pas dire que cela ait attiré grand monde. Pour son édition 2012, E. Adjovi (fondateur des KORA) a donc été s’allouer les services de Chris Brown. C’est clair, la couverture médiatique était assurée.
Il y a eu quelques bonnes choses, comme le décor du plateau, le choix des 3 animateurs.. Pour le reste, j’ai des questions.
- Alors que la cérémonie devait avoir lieu hier, on apprend (hier) qu’elle est reportée à Lundi: Chris Brown aurait raté son vol. Sachant qu’il arrivait en jet privé, COMMENT aurait-il pu rater le vol ? N’est-ce pas là un signe de négligence vis-à-vis de son contrat ?
- Est-ce que les organisateurs ont pris conscience des prix excessivement chers ?
- Y a-t-il eu du “surbooking” ? Ou du moins, une surévaluation pour ce qui est de l’affluence au concert (dans un stade de 40.000 places quand même !) ?
- Fallait-il reporter la cérémonie, au détriment du planning et surtout des autres artistes ?
- N’y a-t-il pas eu non-respect des clauses du contrat ? N’est-ce pas possible d’intenter un procès à Chris Brown s’il est prouvé qu’il est responsable de son retard (et demander un remboursement d’une partie de son cachet) ?
- Quelle est l’utilité de faire un “concert pour la paix en Afrique” en 2012 ? Oui, il faut sensibiliser, oui il faut parler des conflits armés en cours.. mais il faut le faire au bon moment, au bon endroit. Mélanger Divertissement Pur et Cause Humanitaire dans le cadre des Kora sous cette forme, n’était-ce pas un brin maladroit ?
- La communication n’a-t-elle pas été complètement cacophonique ? C’est bien de s’être mis à l’heure du web et des NTIC, mais entre le community manager des Kora qui parle à la 1ère personne, le site web qui n’était pas à la hauteur du buzz généré autour de l’événement et les informations qui provenaient plus d’éléments extérieurs à la cérémonie qu’au staff.. les couacs sont nombreux. On peut parler d’une complète absence du contrôle de la comm’… qui a été principalement faite par les pages facebook communautaires (Abidjan Show, Rumeurs d’Abidjan etc), les artistes (la chanteuse Charlotte Dipanda pourtant nominée, a exprimé sa colère d’avoir été complètement ignorée à son arrivée et a préféré repartir sur Paris, sans qu’aucune explication du staff ne soit émise publiquement) ou les gens du public (comme @Jojo_Le_Doc sur Twitter qui a publié la photo du stade VIDE, et celle-ci a été partagée des centaines de fois même sur Facebook).
- Est-ce aussi la preuve que finalement, les africains de manière générale, ne sont plus les premiers à courir (même quand c’est gratuit) pour voir un artiste américain, et qu’ils ont quand même une nette préférence pour les stars locales ? (Si la réponse est oui, ne faudrait-il donc pas axer l’industrie dans ce sens-là ?).
- Faire un méa culpa à la fin (et non au début) du show, suivi d’une justification un brin bancale, suffira-t-il à rattraper ce qui peut l’être ?
- Donner le prix du “meilleur artiste” à un ivoirien quand la cérémonie a lieu en Côte d’Ivoire, n’était-ce pas un peu joué d’avance ?
- TéléSud, qui devait diffuser la cérémonie à l’international, a continué à montrer d’anciennes publicités de l’événement (avec la date du 29…) et n’a à aucun moment annoncé qu’ils ne retransmettraient pas la cérémonie. Ni sur leur compte twitter, ni sur leur chaîne. A nouveau,” zéro communication”, est-ce le mot d’ordre ?
- Pourquoi est-ce que ce sont des ministres qui remettent des prix ? Même s’il y a une polémique sur l’éventuel financement partiel de la cérémonie par l’état, ce mélange des genres est plus que gênant. En dehors d’un représentant du district d’Abidjan (où a lieu l’événement) ou du ministre de la Culture, les autres figures d’autorité n’ont pas à monter sur scène. Sauf s’ils venaient remplacer les célébrités qui étaient censées remettre les prix, et qui sont parties entre temps..
- Est-ce que l’absence de quasiment tous les nominés était connue d’avance ou est-ce qu’il s’agit d’un boycott collectif suite au report ?
- Y aura-t-il des excuses faites aux artistes qui se sont déplacés, ainsi qu’au public qui a payé ?
- Y avait-il un directeur artistique/producteur télé chargé des enchaînements, la scénographie, les lancements… ?
- Pourquoi la liste des nominés comprenait-elle soit des artistes quasiment inconnus, soit ceux qui n’ont pas produit d’album depuis près d’un an voire plus ?
- En quoi Chris Brown est-il de la diaspora pour qu’on lui remette un prix à ce titre ?
- Est-ce qu’il faut confier l’organisation à des entités étrangères ?
- Est-ce qu’il y a eu rentabilité sur l’ensemble de l’événement (concert compris) ? Si non, est-ce que cela ne va pas poser problèmes pour réitérer l’expérience (et notamment gérer le scepticisme d’éventuels sponsors) ?
Je pourrais continuer longtemps, mais j’arrête mes questions là pour l’instant. Je suis véritablement abasourdie par le spectacle qui nous a été offert tout le week-end. C’est du gâchis parce que l’occasion était belle. Je ne fais pas partie de ceux qui disaient que C. Brown n’avait rien à faire là, au contraire. J’adore les artistes africains, mais soyons réalistes: si la démarche était de frapper un grand coup internationalement, ça aurait plus marché avec un Chris Brown qu’avec un Manu Dibango. Malheureusement, une fois qu’on est allé chercher quelqu’un qui attirerait les projecteurs, il fallait s’attendre aussi à ce qu’on suive la situation de très près et ce, peu importe la tournure des événements.
En somme, la production dans l’événementiel, c’est un travail de titan et de fourmis à la fois. Et pour ce qui est de l’image, elle se construit de bout en bout. Avec ce fiasco des Kora 2012, malheureusement, on retombe dans tout ce pourquoi l’entertainment à l’africaine est réputé: manque de sérieux, pas d’organisation fiable, communication mal-gérée, pas de suivi et j’en passe et des meilleures. Est-ce qu’Ernest Adjovi a vu trop gros pour son come back ? Keri Hilson et Wyclef Jean se sont produits cette année à Abidjan, dans des conditions moins spectaculaires et dans l’ensemble, toutes les places ont été vendues. A l’exception de quelques coupures de courant, les concerts ont ravi les fans.
Bien sûr, c’est facile de parler une fois les événements passés mais tout de même..qui embrasse trop, mal étreint. Vaut mieux une “petite” cérémonie, mais à l’organisation bien huilée que le contraire.
Mon intention n’est absolument pas de donner des leçons, je sais qu’il y a eu du travail et la volonté de “revamper” les Kora. Je suis juste déçue.. notamment, parce que j’avais VRAIMENT envie que ça fonctionne. Côté francophone en Afrique, il faut une cérémonie de récompense musicale de grande envergure, afin d’équilibrer les choses face à la domination quasi-unilatérale des anglophones dans le domaine (MTV Africa Music Awards, Channel O Awards..). Ce ne sera malheureusement pas pour cette fois-ci.