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Pardon pour les pains au chocolats que j’ai volés. Pardon pour mon apparence musulmane. Pardon.

Publié le 30 décembre 2012 par Laroberouge @hocinisophia

12 années. Environ 4380 journées. Presque autant d’insultes, de remarques, bref le racisme ordinaire. « Ah bah tu nous feras des pâtisseries orientales ». « Dis ça vient de chez toi ça non »? « Combien de femmes il a ton père? Non parce que neuf enfants quand même ». « Tu m’invites à manger le couscous »? Dans le genre « light ». Et puis plus grave déjà: « C’est à cause de gens comme toi que les français ne trouvent pas de travail ». « Est-ce que tes frères volent des voitures »? « Non mais tu peux pas manger ça toi, y a du porc ». « Mais pourquoi tu bois de l’eau! Je croyais que c’était ramadan ». « Ah j’adore les maghrébines, ça fait exotique ». Etre suivie dans les magasins par l’agent de sécurité. Etre insultée parce que vous osez parler votre langue maternelle dans le bus et je vous en passe.

Racisme ordinaire

12 années pourtant que je me démène pour faire ce chemin de croix que l’on appelle l’intégration. 4380 journées d’un combat acharné pour correspondre à ce fichu moule, à ce fichu modèle. Et je l’ai fait. Avec zèle. J’ai dû me changer totalement. Adopter certaines manières, certains façons de faire. J’ai appris une langue à une vitesse incroyable simplement pour passer inaperçue et ne plus être vue comme l’immigrée. J’ai tout fait pour qu’on ne puisse rien me reprocher. J’ai soigné mon apparence. J’ai travaillé ma diction pour ne plus avoir d’accent. J’ai fait en sorte d’avoir toujours des résultats corrects. J’ai même dénigré à un moment mes origines tant la poids des remarques était insoutenable. J’ai tout fait. Tout. Des choses que vous ne pouvez même pas imaginer. Or aujourd’hui le fait est que des années de remarques désagréables au quotidien ont créé une souffrance, une cicatrice que l’on me fait saigner presque tous les jours par des remarques qui peuvent vous paraître anodines, mais croyez-vous qu’il est agréable d’être sans cesse renvoyé à ses origines, comme si cet aspect de mon histoire faisait de moi une malpropre. Une moins que rien. C’est pourtant le sentiment que j’ai tous les jours, à chaque instant. Les gens me font sentir que je ne suis pas chez moi. Mais est-ce un leurre que d’être immigré? Est-ce un crime? Il faut qu’on m’explique parce que quelque chose m’échappe. Lorsque ce ne sont pas les gens autour de vous, à l’école, dans les administrations, vous allumez la télévision, l’ordinateur et vous continuez d’être sans cesse insulté. Français de fabrication disait madame Lepen pendant les présidentielles. Pourquoi pas français de contrefaçon aussi tant qu’on y est? Quand sera-t-on enfin considérés comme tels? Sur ma carte d’identité il est pourtant bel et bien écrit « Nationalité Française », certes depuis douze ans, mais quelle différence? Quelle différence? Alors aujourd’hui je vous exprime mon ras le bol. Moi comme beaucoup en avons marre d’être sans cesse renvoyés à nos origines. Soupçonnés jusque dans notre bonne foi, dans les raisons pour lesquelles nous sommes ici. Non ni moi, ni les miens ne sommes venus pour profiter du système comme beaucoup le prétendent. Nous sommes là pour travailler et espérer des conditions meilleures que celles que nous avions dans notre pays d’origine. Nous ne sommes là ni pour islamiser la France, ni pour « détruire la race blanche », ni pour dilapider la Caisse d’Allocations familiales. Aujourd’hui je refuse de jouer à ce jeu. Ce n’est pas parce que je ne suis pas née française, dans une famille française que je dois me dénigrer. J’assume pleinement mon histoire et je suis fière d’avoir cette culture unique et insolite. Une culture intégrée à ma façon, métissage de plusieurs tendances. Non ce n’est pas une honte que de venir d’ailleurs. Ce n’est pas une honte que de parler d’autres langues. Ce n’est pas une honte que d’avoir d’autres coutumes. Et aujourd’hui je suis fatiguée de toujours faire des pieds et des mains pour quelque chose qui devrait être mon dû. Notre dû à tous.

C’est une véritable bataille que nous avons dû mener et que nous menons encore aujourd’hui pour enfin être acceptés à juste titre, sans différence, sans a priori. Sachez-le donc, il faut une bonne dose de courage pour vivre ce que nous avons vécu, ce que nous vivons. Il faut une bonne dose de courage pour oser affronter toutes les difficultés que nous avons rencontrées. Il faut une bonne dose de courage pour pouvoir encaisser tous ces coups et toute cette souffrance qui a découlé. Parce que être français c’est avoir une carte d’identité française et c’est tout. Comment est-ce possible que pour certains ce soit une chose acquise, alors que d’autres doivent toujours justifier de leur situation, du fait qu’ils soient français, comment et pourquoi ils en sont arrivés là. Parce que, ce n’est pas naturel… Parce que pour certains comment pourrait-on se prétendre français et avoir un accent qui vous trompe, une couleur de peau, de cheveux, qui ne font pas « très français ».

Alors je vous l’accorde, je ne m’appelle peut être pas Marie Dupont, je n’ai peut être pas une belle chevelure blonde et des yeux bleus, mais je suis française au même titre que vous tous et je crois que j’ai le droit au même respect et à la même dignité. Je demande simplement un minimum de considération et un minimum de respect car combien d’entre vous sont capables de partir dans un pays dont vous ignorez totalement la langue et les moeurs et d’être capable de vivre comme les « locaux ». Combien déjà ont le courage de le faire et assez de combativité pour y arriver? Arrêtez s’il vous plait de considérer les immigrés comme des bêtes de foire. Arrêtez avec les préjugés et les jugements de valeur. J’en arrive à un point où je suis simplement fatiguée de toujours entendre le même refrain. Toujours les mêmes remarques. Et du surcroît lorsque même les personnes publiques en rajoutent pour faciliter encore plus la chose.

Qui plus est « l’intégration », (dieu que j’aime cette expression…) ne doit pas se faire à sens unique. Il doit y avoir de la réciprocité. Bien sûr, il es normal que l’arrivant s’adapte et adopte le nouveau mode de vie, mais il faut aussi que la société fasse l’effort de les intégrer à sa famille. A ses enfants. Je considère avoir fait assez d’efforts, or je n’ai que peu ou prou de retour.
Bien Au contraire. J’ai voulu m’intégrer. On m’a désintégrée.

La Robe Rouge fait sa révolution.

A tantôt.

La Robe Rouge.



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