Le homard

Une fille rit très fort et je me demande si on a mis de l'orange dans ma vodka.
Une type a commandé du homard, on lui sert et il le jette à l'eau. On trouve
ça très drôle le spectacle de cette bête morte qui ne sait plus nager.
Le type a beaucoup d'humour.
On me dit "c'est quand même plus agréable quand il fait frais".

Dans la nuit, les îles alentour sont invisibles, je ne les devine qu'à des points de lumière,
rangées d'ampoules sur une eau noire. Le bruit des vagues et toujours cette fille qui rit.

On a posé des verres à côté du mien, comme ils sont vides, j'ai dû les boire.
Pourtant je ne suis pas saoul et le sol qui penche, c'est juste le monde qui coule.
J'attends la mort mais le naufrage s'éternise alors je quitte ma chaise. La fille qui rit s'étouffe.

Sur la plage, un couple s'embrasse et aimerait savoir où on peut acheter des préservatifs.
- Comme chez moi il ne pleut pas, je ne sais pas où on se procure des parapluies.
Aucune réaction, on m'observe. Je dis "C'est une analogie" mais ils ne comprennent pas
et partent faire l'amour sans moi.

Une vague me frôle le pied, je fais un pas de côté et m'écroule dans le sable.
Je reste couché sur le sol, je creuse un trou à ma taille, l'eau s'y engouffre. Je ferme
les yeux, j'attends le frisson mais la mer est tiède, l'air humide et mon front brûlant.
La fille du bar croise mon terrier, au bras d'une chemise grise, elle tend le doigt
et dit "lui, il a trop bu" et "lui" c'est moi.