On m’achète, on me dissimule dans des grands sacs en sortant du magasin et l’on veille à ce que mes couleurs soient agréables.
Et puis, brutalement, mes semblables et moi, nous sommes mis dans un placard où traînent des objets très différents car je ne suis pas facile à catégoriser comme des vêtements d’hiver, des nappes ou des outils que l’on stocke au même endroit.
Le meilleur arrive. Mais est-ce le signe que le pire n’est pas si éloigné ?
On me prend avec délicatesse, afin de ne pas me froisser, on me manipule avec précaution, on m’égalise proprement, on me fignole aux ciseaux et on me peaufine au scotch.
On lisse mes angles comme une seconde peau, on m’enrubanne, parfois : comme je suis joli ! Et on me cache dans un endroit improbable ou inaccessible.
Un soir, on me pose avec ma charge au pied d’un arbre. Et puis : tonnerre ! Si j’avais des oreilles, j’entendrais : « le Père Noël est passé ! » par de petites voix émerveillées.
Et puis quoi ? Inutile de résister, impossible de lutter car de petites mains nerveuses se dépêchent de m’éventrer, de me déchirer et de me chiffonner, moi qui fus si rectiligne. Et quand je pense aux personnes qui mirent tant de soin et de temps à me faire briller, à me rendre si présentable.
Je gis désormais par lambeaux ça et là – me recyclera-t-on ? – au milieu des éclats de rires et des éclats de papier, mais ma vie : c’est pas un cadeau.