Puis, Nicolas Presl vit son premier livre édité: Priape, chez Atrabile. Deux autres ouvrages suivirent, toujours chez Atrabile (Divine Colonie et Fabrica). Nicolas Presl continuait de croire que Le fils de l'ours père méritait d'exister. Finalement, The Hoochie Coochie l'édite en 2010 et le livre sera sélectionné l'année suivante à Angoulême. Belle revanche pour son auteur.
Depuis, il est revenu chez Atrabile avec L'Hydrie et vient de publier Heureux qui comme, qui vient à son tour d'être sélectionné pour Angoulême. Je profite de l'occasion pour parler de son livre le plus récent.
Avec ce nouveau livre, Nicolas Presl introduit une nouvelle composante à son univers: la couleur. Selon leur origine ou leur essence, les personnages et les objets sont représentés dans une couleur spécifique. Le thème du livre tournant autour du voyage, cette technique narrative s'avère vraiment intéressante. Si l'Afrique est orange, couleur chaude, l'Occident est bleu, couleur froide. Les souvenirs sont rouges, couleur que j'associe plutôt avec la passion. L'alcool et ses effets sont verdâtres et tout ce qui fait référence à la peur ou à la violence est noir. Plus qu'un gimmick, cette utilisation de la couleur apporte du sens et de la profondeur à son histoire, et lui permet de se renouveler alors la solution de facilité aurait été d'enfin introduire le texte dans ses livres.
Je crois que tout le monde aura inconsciemment prolongé le titre en "Heureux qui comme Ulysse...". En tout cas, je ne peux m'empêcher d'accoler Ulysse au titre de ce livre.
Car il est bien questions de voyages dans ce livre.
Il s'ouvre sur un aéroport, invitation au voyage s'il en est. Mais des voyages, il y en a de toutes sortes. Voyage d'agrément, voyage d'affaires, voyages initiatiques.... La Femme qui nous rencontrons part en pèlerinage. L'Afrique est sa destination. Pourquoi l'Afrique ? Nous devinons que la raison est liée à son fiancé, absent.
Elle est mal à l'aise. Elle a peur. Autour d'elle se pressent des anonymes, sans visage. Elle tente de communiquer avec un voisin dans l'avion, sans succès. Tout au plus trouve-t-elle du courage dans la vision d'un Babouin, animal totémique qui semble la rassurer alors qu'elle attend d'embarquer. Il est à noter que chez Presl, les personnages à l'oeil rond, comme ce babouin, sont des passeurs. Ils apportent sagesse ou connaissance aux personnages.
Puis, il y a l'Homme. Il travaille pour une compagnie minière africaine, vit sur place avec sa famille et son métier l'amène à sillonner la région pour le compte de sa société d'exploitation. Exploiter est le maître mot (maux ?), en effet.
Deux personnages radicalement opposés. L'une est naïveté et inquiétude, l'autre est mépris et cynisme. Deux voyages différents, deux trajectoires qui vont pourtant se croiser.
Mais qu'est-ce qu'un voyage ? Est-ce se rendre d'un lieu à un autre ? Ce n'est qu'un trajet, une translation purement physique. Un voyage, c'est autre chose. Un voyage, c'est un parcours autant intérieur que géographique. Un voyage, ça vous construit, ça vous change, ça vous instruit. Il peut aussi vous détruire. Qu'en sera-t-il pour la Femme et l'Homme ? C'est ce que Nicolas Presl vous invite à découvrir au fil des pages. Et de nous rappeler que lire est livre, ce n'est pas seulement tourner les pages, mais aussi partager quelque chose.
Lire est un voyage. Et j'ai aimé ce voyage.
Heureux qui comme...