


Les Mémoires d'Amoros fait partie de ces bijoux injustement méconnus. Publiée d'abord par Amok, puis repris dans le catalogue Frémok, né de la fusion des éditeurs Fréon et Amok, cette série espagnole signée Cava et Del Barrio n'a visiblement jamais vraiment rencontré le succès qu'elle mérite. Les deux premiers tomes mentionnent d'ailleurs que cette série compte 4 tomes, alors que le troisième et dernier tome paru en 2004 ne fait plus mention de ce quatrième tome. Y-a-t-il un tome non traduit ou était-ce une confusion avec Le piège (oublié aux Éditions de l'an 2), autre livre des mêmes auteurs qui partage certains thèmes avec Amoros ?


Les Mémoires d'Amoros est donc un polar, aux intrigues efficaces et accessibles, même sans connaissance particulière de l'histoire espagnole. Les postfaces permettent de mieux resituer les enjeux, mais ce contexte n'est jamais indispensable à saisir les grandes lignes de l'intrigue. Par contre, elle aiguise la curiosité et incite à se poser des questions sur ces événements qui surgissent dans l'intrigue, comme les relations complexes de l'Espagne avec les Philippines ou le Guerre du Rif qui opposa rebelles marocains et armée espagnole. En ce sens, Les mémoires d'Amoros s'impose comme une série d'une grande intelligence.



Dans ce one-shot, ils suivent Enrique Montero, ancien partisan reconverti dans la bande dessinée, contacté par d'anciens camarades pour piéger un de leurs anciens compagnon d'arme qui a dérapé. Situé dans l'immédiat après-guerre, ce récit sombre et tendu, alterne trois temps en autant de styles graphiques:
- le présent traité dans un noir et blanc charbonneux qui traduit à merveille le climat oppressant de la dictature. Les personnages semblent avoir de la peine à s'extirper des ténèbres.
- la bande dessinée réalisée par Montero, dans laquelle la réalité semble trouver un étrange écho. Cette bande dessinée super-héroïque inoffensive promène son héros solaire dans des planches au trait simple et lumineux, en opposition complète avec la noirceur de la réalité. La bande dessinée apparaît plus que jamais comme un échappatoire face au quotidien.
- Les planches relatives aux souvenirs de la guerre civile sont traitées dans un style expressionniste qui confine à l'abstrait, pour souligner la folie ambiante et le délire des personnages.
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Une intrigue dense et oppressante dont le héros, une fois de plus, n'est pas un héros, mais un homme dont la seule ambition est de survivre, même s'il n'oublie rien.De formidables bandes dessinées, qui méritent plus d'intérêt, que leur apportera peut-être le succès des derniers albums de Cava, désormais édité aux éditions Dargaud (Les serpents aveugles et Les racines du chaos, dessinés par Bartolomé Seguí).
Notons enfin que Frederico Del Barrio signe aussi des livres très différents sous le pseudonyme de Silvestre dans lesquels il s'interroge sur la création et la narration en bande dessinée, en démontant les ressorts et artifices.Malheureusement, ces livres sont épuisés, je ne peux que me reporter au web pour trouver des informations sur ces derniers.
