Monchoachi | Le mage

Publié le 19 janvier 2013 par Angèle Paoli
« Poésie d’un jour XI

Le mage  



Rouges les cirouelliers
  et les coqs bigarrés servis aux carrefours
Rouge du roucou le riz de l’offrande
  Et les cassaves
Rouge la sève du calebassier du milieu du jeu de paume
  Qui bruitalise tant les entrailles des vestales
Et la terre où prospère le mèdecinier
Demeure du vieux-corps dépenaillé
  Harassé jouer zo avec le temps
  Qui agonise en plein soleil  c’était samedi
  Le corps couvert de bouse

Bleu grand-goût les terres rèques
  Les mangots vètes frottés face bleu-indigo
Et la fumée en-affaise du cachimbo
  Où bougonne l’obscur acassan
Manger-lèsprit parfumé et puis fèuilles-bois
Œillades d’anolis d’oeils
  Verts constellant le fruitapain bléu
La fiante verte sur la console
  La déméfiante pavane bleue
  En-rhaut la travèsse d’un mabouya
La falle ouayayaïe du grand duc Valcin
  Feuilles bananier dans les nuages
   Au Maître génial suffisantes
   Air bleu oracle pour le cacher
   Ô le temps pleurer
   Creuser sillon
   Et en suivre le cours

Blanc le saisissement
  que la jaune fleur-date le dévire ici même
Blancs les signes les rendez-vous sacrés
Serpente le lieu de l’aube à tout moment
  À tout moment l’ange dansant
La blanche couleuvre-déux-têtes
  Dévidant l’ondoyant chemin d’astres
  Cavalier travesti dans le frissonnant-zentraille
L’offrande de la belle femme fessue
Larges palmes toute chapée de blanc
La source-lhorizon en quelle est-ce s’abreuve la cigouane

Roses les lauriers
  Roses l’œil rond de l’amour
Rose la coquetterie surannée de la bourrelle
  Le frai maite-tête la rose rhâler-meînin-vini
La sente-bon- madigouane de la prune mombin des rivières
Rose le cœur-miroir de la putain reflétant d’innombrables mondes
  Prodiguant tant et tant de bonheurs
  jusqu’au fin fond des chambres nuptiales
Rose le cœur-miroir de la chouette à l’âme humide
  La sereine réfutation des hérésies

Rouge le carême emmitouflé dans des peaux de taureau
Rouges les gens du lignage du chien
Mêche-lumin rouge la langue divine parlée pour transpercer
  Zyeux et cœurs
Rouge le bruit qui a résõnnin comme le crié-lan-mort
  trois fois
Trois fois la femme a parlé tout seul
  « Ouaë ! Ya rien qui est francé vrémant dans ça ! »
Rouges les torches bois-min rouges Fifi et Mimi
  Qui a jambé dleau sans mouiller son déux petits quatiètes
  Bricolobric! Bricolobric! Rouges tites colobri!

Rouges les turbulents présages le devègondage sophistique
  Les lieux pathétiques
  (Et Prodicos de Céos, le Grec,
  condamné à boire la rouge ciguë
  il a fait comme ça :
  « Ce qui est utile à la vie,
  il doit être tenu pour divin ».
  Ouaïe!)

  Noires les nuits qu’illumine l’étoile
  Noires les nuits qu’alerte le songe
  Les nuits qu’encensent les larmes
  De l’oliban

  Au leurre le temps qu’escortent les âmes
  En-deux-eaux la fortune
  Mage cheminant à la main bâton de bois d’orme.

Monchoachi, “Rara solé”, in Lémistè, Liber America, Obsidiane, 2012, pp. 39-40-41.



MONCHOACHI

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→ (sur île en île) une fiche bio-bibliographique sur Monchoachi



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