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De l’activisme exigé

Publié le 31 décembre 2012 par Hesperide @IsaBauthian

Mot-clef du jour : « un homme qui vous a pas respecter trahi comment agir quand on le croise« 

Dans l’édition d’aujourd’hui du Huffington Post, Marlène Schiappa* se demande s’il est possible de boycotter le réveillon du nouvel an sans passer pour un misanthrope.
J’ai commencé à répondre que, moi, je ne le fêtait pas et que je me fichait un peu de pour quoi je passais mais, rapidement, la question suivante est venue se poser à mon esprit disgressif : « est-ce que je suis vraiment obligée de boycotter ? »
Parce que… Bon, ok, chacun a réalisé, à un moment de sa vie, qu’il est parfois difficile de ne pas se fondre dans le moule sans se faire regarder de travers. Oui, la différence est menaçante, oui, affirmer sa personnalité n’est pas toujours simple (ceci dit, ça s’appelle grandir, et c’est pas non plus sensé être un chemin de croix), oui, la pression de la société, houlala, et ça demande du courage de devenir soi-même, je vous dis pas mon bon monsieur, alors, forcément, on aime bien que ceux qui y arrivent le crient haut et fort, ça les rend un peu plus normaux à nos yeux apeurés.
Donc, allez, je veux bien boycotter si ça vous fait plaisir. Mais quelque part ça me contrarie un peu parce que l’activisme c’est fatiguant, surtout quand on se tamponne de la cause, et moi tout ce que je veux c’est passer la soirée avec une verveine menthe et un bouquin dans mon pyjama en pilou, et encore, même pas tous les ans, juste si, comme souvent, j’ai rien prévu.

Je ne fête pas le nouvel an pour deux raisons très bêtes : d’une part parce que c’est un truc de fêtard et je ne suis pas fêtarde, d’autre part parce que je trouve ça couillon.
J’aime sortir avec des copains, j’aime faire des bouffes ou aller au spectacle, mais la fête, dans son côté lâchage de soupapes débridé et délires youpi-tralalère, je n’en ai jamais ressenti le besoin.
Et je trouve la célébration d’une date couillonne parce que je n’ai pas la culture du symbole. J’ai déjà essayé, hein, en plus, pas chiante pour deux sous, mais je n’ai pas réussi à intégrer le concept. C’est une date. Un foutu chiffre. Et c’est au milieu de l’année scolaire, quand on a déjà recommencé toutes nos activités, quand le boulot est bien lancé, quand les gamins ont déjà changé de classe… Non, sans déconner, il se passe quoi de spécial, le 31 décembre ?
Naaaan mais c’est boooon, fais pas chieeer avec tes phraaaases, c’est juste une occasiiiooooon, quoiiii. Oui, ben à la limite, si tu m’invites à un truc cool, je viens, hein, comme je l’ai dit, en vrai, ça me contrarie de boycotter, surtout quand on parle de bouffe gratos. Mais des occasions, finalement, yen a d’autres, à des moments où on ne se pèle pas de froid, où le périf n’est pas blindé de connards alcoolisés, où c’est pas une chierie pour trouver un baby sitter, et où on a eu le temps de digérer la dinde aux marrons.

Je ne fête pas non plus la Saint Valentin. Pas parce que c’est consumériste gnigni ou qu’on n’a pas besoin d’occasion pour se dire qu’on s’aime gnagna. Non, je ne fête pas la Saint Valentin parce qu’il se trouve que oui, mon copain et moi, on se dit qu’on s’aime toute l’année, que oui on se fait des cadeaux régulièrement et sans occasion spéciale et que, du coup, on ne voit pas au nom de quel masochisme idiot on se forcerait à garder un œil sur le calendrier pour penser à se tasser dans des magasins ou des restaurants un des rares jours de l’année où l’on est à peu près certain qu’ils seront noirs de monde. Par contre, on s’en fout que ce soit une fête capitaliste et ça ne nous remue pas une cellule stomacale que ce soit hérité de la France de Vichy (d’autant que ce n’est PAS une invention de Pétain, quitte à asséner avec un petit air péteux des trucs que tout le monde sait, arrangez-vous au moins pour qu’ils soient vrais).

J’ai une télé. Plusieurs de mes amis n’en ont pas, alors on les traite de hippies ou d’élitistes… en tout cas, on leur a tous demandé au moins une fois d’où, grands dieux, venait ce besoin de ne surtout pas faire comme tout le monde.
La plupart de mes copains sans poste n’ont même pas consciemment pris la décision de s’en passer. Simplement, à un moment de leur vie, au détour d’un déménagement, d’une panne ou d’une semaine de folie, ils se sont retrouvés sans télévision. Et ça ne leur a pas manqué, et ils ne l’ont jamais rallumée/n’en ont jamais racheté. Ils ont fait comme avec n’importe quel objet dont ils ne voyaient pas l’utilité, il n’y a qu’avec la télévision que ça a fait meugler le chaland. Du coup, la question devient : « mais d’où vient ce besoin de faire comme tout le monde au point d’emmerder ceux qui ne suivent pas le mouvement ? », mais comme tout le propos de cette note est de démontrer qu’on peut faire ce qu’on veut sans revendication particulière, et que de toute façon c’est une question de merde, je ne vais pas la traiter, sinon ça va finir en « PC ou Mac ? », « Quick ou MacDo ? » ou, pour la nouvelle génération de snobinards des abysses, « Nolan ou Whedon ? ».

Je n’ai rien contre les traditions. Je marque le coup à Pâques parce que je trouve ça marrant de voir les gamins chercher des trucs dans les jardins, j’achète ma galette des rois parce que miam, je célèbre les anniversaires juste parce que je n’ai jamais remis ça en question, et je fête un Noël athée avec un nombre de cadeaux décent.
Je n’ai rien contre les traditions mais je ne me force pas à les embrasser. Ça ne fait pas de moi une punk, une altermondialiste, une hippie, une élitiste ou une misanthrope. Je fais juste ce qui me plaît, en espérant que ça ne vous collera pas une ride du lion de le constater. Et j’essaie de le faire… oh, en l’espèce, même pas avec respect de moi-même, amour de la liberté ou autre concept de bisounours gauchiste… non, juste avec un minimum de foutue logique. Et j’apprécierais d’avoir encore le droit de simplement me battre la race d’un sujet donné.

Oui, il existe une troisième voie, entre le conformisme de moule et le militantisme chieur, vous n’avez qu’à dire que je milite pour si ça vous rassure.
Mais la seule raison pour laquelle je ne fais pas systématiquement les choses que tout le monde fait, c’est que j’fais s’que j’veux, quand j’veux. Et j’aimerais bien ne pas avoir à ajouter : et j’vous emmmerde. Parce que ce serait bien plaisant que ça ne vous emmerde pas.

* : Marlène Schiappa est journaliste et essayiste. Elle est aussi la fondatrice du réseau Maman Travaille qui milite pour une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Je vous conseille hautement de vous intéresser à son travail.


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