Magazine Journal intime

J'ai testé "fais-toi poser des points de suture"

Publié le 21 janvier 2013 par Anaïs Valente

J'ai une chance inouïe dans l'existence, car à mon âge avancé, je n'ai jamais dû être opérée.  Et je n'ai jamais rien eu de cassé.  Je sais, faut jamais dire jamais, mais c'est déjà une chance quand je vois certains enfants qui souffrent.  Moi, nada.  Bon, j'ai d'autres agréables petits soucis, des allergies et de l'asthme qui transforment tout rhume en bronchite, des dents de merde fans de pulpites en série, mais niveau hôpital, j'ai jamais rien connu, pour moi du moins.

Il est vrai que quand j'étais une petite gamine coquette, j'ai trébuché sur un sac que je tenais à la main et dévalé toute la volée d'escaliers que je m'apprêtais à descendre.  Résultat : un crin. 

Il est vrai également que quand j'étais une petite gamine curieuse, j'ai voulu ouvrir une armoire dont la porte s'abaissait et j'ai ramassé toute l'armoire sur mon petit corps chétif.  Résultat : j'aurais pu être scrabouillée par le meuble mais on m'a retrouvée en position fœtale entre deux étagères dudit meuble.

Mais tout ça, je ne m'en souviens pas.

Ce jour donc, tout a changé.  Rendez-vous à l'hosto pour tirer la langue à un gentil docteur dont j'ai oublié le nom.  Oui, lui tirer la langue, au sens premier du terme, pour lui en montrer le bout, qui est orné d'une petite tache bien rouge.  Pas dérangeante, jusqu'à ce qu'elle se mette à saigner par moment, notamment un jour où je m'offrais un quick et où une frite a malencontreusement heurté la tache, me transformant en vampire fan de frites.

Je déteste les hôpitaux, et même y aller pour une naissance est une épreuve pour moi.  Donc la perspective de cette visite ne m'enchante guère, mais je suis relativement zen.  Passque mon doc généraliste m'a dit que ce n'était rien mais qu'il valait mieux le montrer.

Donc ce n'est rien.  Et le gentil doc va me dire "ce n'est rien, ça va partir tout seul, au revoir médéme".  Même Mostek qui m'a dit dans la matinée "oh, il va juste gratter pour analyser", ne m'a pas convaincue.  Dégoûtée, oui.  Effrayée, oui.  Mais pas convaincue.

Je pars donc, la fleur au fusil, le cœur vaillant, direction l'hôpital.  Où j'attends 45 minutes, lisant les Carnets secrets de Jean-Luc Delarue, tandis que le stress monte.  Ben oui, rien qu'à me trouver à l'hosto, j'angoisse, c'est ainsi.  Y'a un monde fou, de tous les âges, et je me sens écrasée par une chape de solitude.  L'hôpital me déprime, et je m'imagine, bien plus âgée, troisième âge quoi, toute seule, abandonnée, malmenée par un personnel hospitalier n'ayant pas le temps, comme dans Urgences ou Grey's Anatomy, de parler aux patients.

J'en suis là de ma déprime lorsqu'une infirmière surgit et me fait entrer chez mon docteur.  Première surprise : je me croirais chez le dentiste.  Même siège que chez mon dentiste, ce doit être un bon présage.  Ou un mauvais.

J'essplique au docteur la raison de ma visite.  Pas de temps à perdre, il me fait immédiatement m'installer sur le siège, en position couchée, comme chez le dentiste quoi.  Et l'infirmière de me mettre une grande serviette sur le poitrail.  J'aime pas ça.  Je suis juste venue discuter moi, donc je pensais rester sur mon petit siège, bien à l'abri derrière le bureau du docteur.

Ben non.  Il s'approche et me demande de lui tirer la langue.

Et le verdict tombe : "rien de grave Ma bonne Dame, rien de grave."

Yessss.

Je vais m'en aller, la fleur toujours au fusil, ce n'est rien de grave.

Et lui d'ajouter : "on va vous enlever ça, l'affaire de cinq minutes".

Rhaaaaaaaaaaaaaaaaaaa.

Nooooooooooooooooooooon.

J'veux paaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaas.

Sauf que je suis grande, j'ai pas cinq ans, je peux pas me mettre à pleurer ou aller me cacher dans un coin.  Je me dois d'agir comme une grande personne, même si j'ai envie de pleurer ou de me cacher.  Et de me demander pourquoi j'ai pas accepté la proposition de ma sœur de m'accompagner, mais pourkwaaaaaaaaaaaaa.  Maintenant je me retrouve toute seule abandonnée à la merci du bistouri (et ça rime).

Avant le bistouri, c'est la seringue, qu'il m'enfonce plusieurs fois dans la langue, rho le vilain.  Ça pique.  J'aime pas ça, d'autant qu'il tient ma langue bien sortie, cela va de soi.

Immédiatement, sensation que ma langue double de volume.  Triple.  Quadruple.

Bon, ben ça dort.  Il le vérifie en me pinçant, car je ne dois rien sentir.

Je ne sens rien.

Alors il attaque, à grands coups de bistouri et autres engins de torture dont j'ignore tout, passque j'ai plus mes lunettes (de l'avantage d'être hyper myope) et passque de toute façon j'ai fermé les yeux.

Je ne sens rien mais j'imagine tout.

Zavez déjà essayé d'avaler quand un médecin vous tient la langue ?  Essayez, c'est épique.

Zavez déjà senti un médecin vous couper la langue ?  Essayez, c'est original.

Zavez déjà eu l'impression qu'il vous met des points de suture ?  Essayez, c'est angoissant.

Bon, en soi, c'est rien de grave, mais pour les premiers points de suture de ma vie, faut avouer que c'est original.

Et ça fait mal (et ça rime encore).

J'aurais jamais imaginé qu'une langue se réveillait si vite, dix minutes et vogue la galère, surgit la douleur. 

Mais le pire dans tout ça, c'est ce zozotage incroyable (testé et approuvé à la pharmacie en quête d'un anti-douleur, car le doc a dit "si douleur, antidouleur", et basta, je vous donne rien, débrouillez-vous – dire qu'un hôpital namurois affichait récemment "la douleur ne doit pas être une fatalité", ben voyons). 

Je zozote de chez zozote.

Et il m'a pas dit combien de temps ça allait durer.

Je vais faire quoi demain au bureau, quand les clients vont vouloir me parler au téléphone ? 

"Oui oui, c'est bien Anaïssssssssssssssssssszzzzzzzzzzzzzzzz, vous ssssszzzzzzzzzzzzzapellez dans quel dossssszzzzier ?"


Retour à La Une de Logo Paperblog