Frères d'ombre, SébastienVassant & JérômePiot

Publié le 23 janvier 2013 par Olivbd

Nous on appelait ça " les événements ", mais tu as raison, c'était bien une guerre.

    FRÈRES D'OMBRE

Un récit de  Jérôme Piot

Dessin et couleur de Sébastien Vassant

Édité chez  Futuropolis

Dépôt légal : Janvier 2013

One-shot

144 pages

Ce récit a obtenu le Prix Charles Spaak 2007

de l'Université Européenne d'Écriture, Bruxelles.

©Futuropolis 2013 Piot/Vassant 

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Le récit commence en 1970. Nous sommes à Pantin, en Seine-Saint-Denis (93). Un père de famille semble rentrer de permission. Il rapporte un présent pour son fils. Tout heureux, ce dernier décide de classer ce cadeau dans une "boîte à chaussure", pour plus tard... Mais en voulant la ranger dans l'armoire, la boîte bascule et laisse découvrir de nombreuses photos. L'une d'elle montre deux officiers et un prisonnier assis sur chaise, nu et ligoté. En trois pages sans paroles, l'intrigue est posée !

Sans transition, la narration nous emporte à Alger, en 2003. Nous faisons connaissance de Kamel Bourad, 30 ans, domicilié dans la province de Guelma (Nord-Est de l'Algérie). Kamel veut quitter son pays et pour cela, il présente un dossier complet et une dérogation pour soutien de famille afin de ne pas satisfaire aux obligations militaires. Mais malheureusement, un bug informatique de l'administration algérienne délivrant le fameux visa pour la France, lui rejette son dossier... Décidé à quitter sa patrie, il va se débrouiller autrement, et prendre le chemin clandestin. Le rendez-vous est nocturne, il se trouve à l'embarcadère et... Inch' Allah !

Deux jours plus tard, nous voici sur les quais de gare de Marseille-Saint-Charles. Un descente de la police française intervient pour arrêter un groupe de clandestins algériens. Certains d'entre eux feraient partie d'un groupe lié à une mouvance islamiste du Maghreb. Un suspect s'est échappé et reste introuvable mais une caméra de vidéosurveillance montre clairement cet individu...

Au même moment, Alain Roussette, contrôleur de la S.N.C.F., est témoin du traitement sans ménagement des policiers sur les fuyards. Il se prépare à exercer son métier dans le train à destination de Paris gare de Lyon. Sorti d'une situation coquasse, il se fait charrier par ses collègues, car à la S.N.C.F., tout est possible !

Alain va se retrouver dans une nouvelle circonstance impromptue face à un homme seul, Kamel, le visage perdu et tout autant surpris... Où comment deux destins se croisent dans les toilettes du train !! Prenez garde à la fermeture des portes, le train va partir... !

La suite est une histoire de confiance d'homme à homme, une histoire de respect mutuel, de mise à l'épreuve, et une histoire de valeur avec cette notion de la famille très présente. Mais c'est aussi une histoire de différence de culture, une histoire très actuelle où se télescope les fantômes de la guerre d'Algérie et l'angoisse du terrorisme islamique.

Vient ensuite le doute, la méfiance, la suspicion et la peur lors du rebondissement où Alain apprends par les médias que semble t-il, Kamel est le terroriste recherché par la police... Que faire ? Sachant que notre contrôleur qui n'as rien demandé à personne, s'est risqué à accueillir le fugitif dans son propre quotidien jusqu'à le présenter à son entourage familial... Que faire pour soi, que faire pour lui ? Qui est-il vraiment, et que cache t-il indirectement ? Comment réagir, dénoncer ou se taire ? Et vous que feriez-vous ?

Le récit de Jérôme Piot est profondément humaniste, ça défile et nous plonge dans un thriller palpitant. Une certaine tension règne mais rien ne dérape. Nous ne sommes pas dans la caricature. Chaque situation est menée pour être comprise, vraie et juste. Et pourtant, ça interpelle ! Qui oserait protéger un clandestin et qui plus est soupçonné de terrorisme... Les questions sur le sujet complexe de la religion sont abordées. L'énonciation des mots "racisme", "fanatisme", "terrorisme" sont dans le discours des personnages pour nous aider à comprendre les choses. Et c'est dans le courage des personnages que ce récit fait du bien.

La trame du récit se fait sans cases pour donner plus de liberté. Le dessin par Sébastien Vassant, lui aussi interpelle. C'est le cadrage qui va peut-être vous faire hésiter à la lecture et l'afflux de bulles de paroles sur certaines planches. Et pourtant, c'est cet exercice de style qui m'a attiré dans le choix de cet album parmi les nombreux titres publiés actuellement chez Futuropolis... !

Et au titre de l'ouvrage, j'ajouterai : « Mon ami frère d'ombre ».

        

Des auteurs, vous connaissez le dessinateur Sébastien Vassant si vous avez lu L’accablante apathie des dimanches à rosbif, texte de Gilles Lahreren, publié en 2008, chez Futuropolis. En 2010, il a participé au collectif Immigrants co-édité avec l’association Bd Boum et à Les Autres Gens, bd-feuilleton numérique, paru aux éditions Dupuis.

Jérôme Piot, est assistant régisseur et à la mise en scène. Il se consacre à l'écriture de scénario pour le cinéma et la télévision. En 2007, il a reçu le prix Charles Spaak décerné par l'université européenne de Bruxelles pour le scénario Les Complices qui a donné naissance à cette bande dessinée Frères d'ombre. Il anime régulièrement des ateliers d'écriture de scénarios de fiction au sein d'universités, de collèges et d'associations.

Jérôme Piot et Sébastien Vassant dédicaceront leur ouvrage Frères d'ombre, à la fin du mois au festival de bande dessinée d'Angoulême, sur le stand de Futuropolis.

©Futuropolis 2013 Piot/Vassant

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Cette lecture s'ajoute avec celles des participants,

dans le cadre de la chez Mango

Bonne lecture

OliV (de retour !)