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Conflit au Mali : Le djihad avance en Afrique

Publié le 24 janvier 2013 par Hermas

thumbnail.php.jpgSource : Alfa y omega. L’imposition de la sharia avance à pas gigantesques en Afrique subsaharienne. Des pays tels que la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, le Tchad, l’Érythrée, le Burkina-Faso et maintenant le Mali, et même l’Algérie du Nord, subissent les conséquences de la progression de l’islamisme radical, qui a pénétré le continent africain il y a trente ans, par la Corne de l’Afrique, et qui, peu à peu, étend sa zone d’influence. « La ceinture du Sahel – depuis l’Érythrée et la Somalie jusqu’à la Mauritanie – est une zone stratégique parce que, en plus d’y implanter la loi islamique, les terroristes cherchent, dans ce territoire qui traverse l’Afrique et débouche sur l’Europe  - la libre circulation des armes et de la drogue, qui est le commerce dont ils se nourrissent économiquement », affirme Manuel Gallego, Père Blanc qui se trouve au Mali depuis 1977. « Ils se concentrent actuellement sur le Mali parce qu’ils veulent en faire une plateforme vers le Nord de l’Afrique et, par conséquent, vers l’Europe », ajoute le missionnaire. « Cette situation est très grave, pas seulement pour nous, mais au niveau international, parce que les islamistes veulent balayer le christianisme et la culture occidentale ».

Il est certain que si l’expansion de la sharia sur le territoire africain  a commencé depuis vingt ans, c’est dans la dernière décennie qu’elle s’est radicalisée de manière préoccupante. L’une des raisons est, selon Mgr Charles Palmer-Buckle, Archevêque d’Accra (Ghana), « qu’il y a vingt ans de nombreux musulmans africains sont allés faire leurs études en Arabie Saoudite, en Égypte, en Lybie et en Iran. Ils en sont revenus contaminés par le fondamentalisme », ce qui était alors inconnu sur le continent africain.

Une autre raison est « la naissance d’Al-Quaida, groupe terroriste qui s’est affermi avec le retour des combattants algériens dans leur pays, dans les années 90, après la guerre en Afghanistan », explique le P. Justo Lacunza Balda, des missions africaines, et recteur émérite de l’Institut Pontifical d’Études arabes et islamiques de Rome. « Ils se sont étendus comme de l’huile, et maintenant ce sont leurs cellules qui opèrent dans d’autres pays, comme Boko Haram au Nigéria, Ansar Dine au Mali, ou le MUJAO [Mouvement pour l’unité et le Jihad en Afrique occidentale], avec l’objectif de contrôler le pétrole, les institutions et l’État ». Le mouvement touche maintenant cette zone de l’Afrique parce que dans d’autres pays l’objectif est déjà atteint. « Il suffit de regarder l’Égypte, avec les Frères Musulmans, qui au bout de 82 ans sont parvenus au pouvoir et ont pris les rênes de l’État, ou les partis qui ont gagné les élections au Maroc, à Tunis, et bientôt en Lybie. Peu à peu se réalise la Déclaration de guerre, signée par Al-Quaida en 1996, contre les américains, les croisés – c’est-à-dire les chrétiens – et les juifs, rappelle Lacunza. Leur action est principalement dirigée contre les chrétiens – ils le disent eux-mêmes – parce qu’ils les considèrent comme leurs principaux ennemis », étant donné qu’ils constituent la religion majoritaire sur le continent. Il suffit de regarder les attaques constantes des terroristes contre les églises au Nigéria, les assauts de chapelles en Tanzanie et au Kenya ou les destructions que les islamistes ont faites des mausolées et des lieux de pèlerinage en Somalie.

La misère, bouillon de culture

La misère africaine est un bouillon de culture pour les terroristes, parce que pour islamiser l’Afrique il faut du monde, beaucoup de monde. Mais la tâche est facile pour Al Quaida et ses cellules : « Ils payent bien les jeunes pour qu’ils s’enrôlent dans leurs rangs », explique Manuel, à son bureau de la cathédrale catholique de Bamako, capitale du Mali, « autour de 500 euros par mois, une solde formidable. La majorité des jeunes gens n’ont rien et eux leur offrent un travail et un idéal de vie », ajoute-t-il.  

Cependant, tous les musulmans ne sont pas d’accord avec le fondamentalisme : « Il y a une lutte intestine entre les différentes factions de l’Islam », précise Lacunza. De fait, le dialogue et le travail conjoint de chrétiens et de musulmans préoccupés par la radicalisation de leur religion est exemplaire dans des pays comme le Nigéria. Cependant, dans un moment de tension, comme cela s’est produit ces jours-ci à Bamako, « les conflits augmentent dans la ville, au point qu’on arrête des hommes portant une longue barbe, pour la leur couper, ou que l’on dénonce quelqu’un parce qu’il est vêtu comme un arabe. On a même tué des familles touaregs qui venaient se réfugier dans le Sud », en croyant qu’elles étaient infiltrées de rebelles », explique Manuel.

Au-delà du conflit, au Mali, il va devenir nécessaire « de travailler à l’éducation des consciences, pour éradiquer les semences plantées par le fondamentalisme religieux », a déclaré à différentes reprises l’Archevêque de Bamako, Mgr Jean Zerbo.

Guerre ouverte au Mali

Pour comprendre pourquoi les terroristes islamistes se sont appuyés sur le Nord de ce pays d’Afrique occidentale, il faut remonter dans leur histoire. Les premiers rebelles du Nord furent les tribus touaregs qui, après la colonisation, ont souffert d’une mauvaise répartition des territoires – en plus de leurs différences ethniques avec leurs voisins du Sud. Ce fut à la fin de l’année 2011 qu’ils prirent plus de force, grâce à l’appui de ceux qui sont revenus chargés d’armes de leur guerre en Lybie. Ils étaient à ce point puissants que l’armée perpétra un coup d’État en mars, après plusieurs semaines de protestations, en raison du malaise suscité par la façon dont le gouvernement s’occupait de la rébellion touareg. Les soldats réclamaient davantage d’armement et d’appui gouvernemental pour étouffer leur rébellion.

C’est à la faveur de l’état de paralysie provoquée par le coup d’État que les mouvements islamistes, qui étaient accourus pour aider les touaregs, en profitèrent pour prendre les villes de Kidal, Gao et Tombouctou. Devant la crainte de leur possible extension au reste du territoire, l’armée française – accompagnée par des troupes africaines – bombarde le Nord du pays depuis le 11 janvier. L’Archevêque d’Accra, lors d’une interview accordée à Radio-Vatican, s’est demandé « quel est le véritable motif de l’intervention française », et il invoquait une possible « recolonisation », en référence aux intérêts économiques français dans la région. « La France est également intervenue en Côte d’Ivoire, et c’est un pays qui ne connaitra pas la paix dans les 25 prochaines années », souligne l’archevêque, qui indique qu’il « est déçu par les puissances occidentales », parce qu’il ne croit pas qu’elles soient « les défenseurs de ceux qui souffrent ». Cependant, selon le Père José Morales, Provincial des Pères Blancs, qui a vécu au Mali depuis l’âge de 25 ans – il en a aujourd’hui 68 et vit en Espagne – « si la France n’était pas intervenue, les djihadistes seraient déjà à Bamako en train d’y détruire tout ce qui est chrétien, d’y couper des mains, d’y imposer la sharia et d’y établir le commerce de la drogue ». Et il conclut : « Les Français ont eu le courage de faire ce que les autres ne font pas, par crainte de représailles ». L’Algérie a cependant déjà subi les conséquences de sa « collaboration avec la France dans la guerre contre les islamistes au Mali, en permettant le passage de ses troupes par son espace aérien et en fermant sa frontière avec l’Azawad ». C’est ce qu’a indiqué la Brigade Mulazamin, dirigée par l’ex-dirigeant d’Al-Quaida au Maghreb, Mokhtar Belmokhtar, qui a préparé l’attaque du site gazier d’In Amenas, au cours de laquelle sont morts 37 otages de huit nationalités, outre cinq disparus. Selon les terroristes, cette attaque ne sera pas la seule. « Nous promettons à tous les pays qui participent à la campagne que nous entreprendrons d’autres opérations s’ils ne reviennent pas sur leur décision ».

Les Missionnaires : nous ne partons pas

Vingt-quatre missionnaires espagnols vivent au Mali. Ils sont actuellement regroupés dans la capitale, « sur la demande explicite des évêques », indique Manuel Gallego. « Dans les missions du Nord sont restés les prêtres et les religieuses africains, parce que si les islamistes parviennent à une mission, les missionnaires européens sont les premiers à être assassinés, car nous représentons le christianisme et la culture occidentale », ajoute-t-il. À Bamako, il constate que, pour le moment, « nous sommes en sécurité », mais les ambassades « nous demandent de rentrer en Europe, parce que nous sommes un problème pour l’État. Imaginez que les rebelles arrivent jusqu’à la capitale : le premier lieu qu’ils attaqueront sera une maison de 30 Pères Blancs », affirme-t-il. « Pour nous tuer, ou nous séquestrer, mais nous ne partirons pas ». Ce n’est pas un simple discours. Aux dernières nouvelles, les rebelles ont attaqué la ville de Djabali, à 400 km de la capitale. « On nous a raconté que la première chose qu’ils ont faite en arrivant dans la ville fut d’attaquer l’église et de s’y installer, tandis que le catéchiste fuyait avec le Saint-Sacrement », explique le missionnaire Felisa Alcocer, de Valence, qui est à Bamako depuis 10 ans.

Les missionnaires qui se trouvent au Mali ont, en ce moment, plus de travail que jamais, pour s’occuper des quelque 400.000 personnes réfugiées des territoires du Nord qui cherchent la paix dans la capitale – d’autres sont partis vers le Niger, le Burkina Faso et la Mauritanie. Mgr Zerbo a demandé à Caritas International son « appui, dans la nouvelle période de souffrance qui commence pour le peuple malien ». Les réfugiés ont déjà besoin de faire face à des nécessités élémentaires, comme la nourriture, l’eau potable, les médicaments contre le paludisme. Les blessés qui reviennent du front, que les évêques de la Conférence épiscopale malienne ont visités, pour leur apporter un réconfort moral et spirituel, ont également besoin d’une aide médicale et chirurgicale urgente.


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