Il était entré dans le métro en même temps que moi et je ne faisais pas attention à lui. Puis subitement, comme les portes étaient toujours ouvertes, il est redescendu sur le quai. Sans le vouloir, il m’a un peu bousculé et s’est excusé très poliment.
Pourquoi sortait-il de la rame dans laquelle il venait d’entrer ? Etrange. C’est là que je l’ai regardé. Trente-cinq à quarante ans, une barbe courte, une veste normale, le capuchon de son pull sur la tête, il tenait en main un sac en plastique.
Puis subitement il s’est mis à parler tout seul. C’est là que j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Il parlait parce qu’il était perdu et qu’il n’en pouvait plus de tout le silence qu’il avait enduré depuis des jours. Du coup, son sac en plastique, qui m’avait d’abord paru anodin, prit tout son sens : c’était son seul bagage, son seul avoir dans la grande ville où il devait sans doute chercher chaque soir un endroit où dormir. Peut-être ici, justement, dans les couloirs du métro.
Lui, continuait à parler, en nous regardant tous, nous qui étions restés à l’intérieur. Ce qu’il disait était un peu incohérent et je ne pourrais pas le retranscrire ici. Moi je regardais ses yeux : des yeux plein de gentillesse, ceux d’un homme perdu à qui la vie n’avait pas fait de cadeau.
Puis tout en me fixant moi, il a continué son discours en arabe. Mais calmement, posément, sans élever la voix. Il n’avait rien d’un fou privé de raison. C’était un homme, tout simplement, un homme qui disait sa souffrance et qui regrettait l’indifférence de ses semblables. C’est du moins ce qu’il me semblait comprendre, à travers son langage pour moi inconnu.
Les portes se sont finalement refermées avec un claquement sec et le métro nous a emportés, laissant là sur le quai cet Arabe qui resterait à jamais un étranger.