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Oxymore vivant

Publié le 27 janvier 2013 par Guillaumemeurice

andre stas« Les hommes en vinrent, pour qualifier les actes, à modifier arbitrairement le sens habituel des mots ». Ainsi s’inquiète Thucydide dans l’Iliade et l’Odyssée d’Homère. Une trahison du langage manifeste qui connait aujourd’hui son apogée dans une société essentiellement basée sur la communication. Une conception de la sémantique qui ne va pas sans poser quelques problèmes. Lorsque les mots perdent leur sens, c’est toute la pensée qui est désorientée.

Ainsi, le cynisme, à l’origine philosophie grecque basée sur l’anticonformisme est devenu une manière d’agir sans foi ni loi. Une notion incarnée jadis par Diogène de Sinope l’est aujourd’hui par Bernard Tapie. De même, le matérialisme, à la base conception du monde selon laquelle « tout est matière », est devenu le synonyme de l’adoration des objets et de leur accumulation. Comme si Démocrite était responsable marketing chez Apple.

Puis, de nouvelles expressions sont apparues. L’affreux « licenciement de masse » a laissé sa place au plus délicat « plan social ». Les guerres sont devenues « propres ». La croissance « négative ». Les frappes « chirurgicales ». En attendant le cancer « rigolo», l’assassinat « altruiste » et la pédophilie « pédagogique ».

Notre manière de penser étant principalement fondée sur la représentation liée aux différents vocables, en les manipulant, il devient aisé de modifier en profondeur notre manière de concevoir les faits. Les « évènements d’Algérie » n’ont-ils pas été plus exactement un combat sanguinaire entre des groupes armés. Comment s’offusquer d’une campagne de « prélèvement » de baleines si l’on ignore que ce prélèvement s’opère au harpon et s’achève par un dépeçage des cétacés ?

L’étymologie nous aidera toujours à comprendre le sens originel du mot mais jamais avec précision celui que notre interlocuteur a voulu lui prêter. Pour cela, encore faut-il connaître avec davantage de précision ses intérêts, son discours, son projet. Et identifier ainsi les miaulements hypocrites de celles et ceux qui persistent à ne pas appeler un chat, un chat.

Sans quoi, l’oxymore deviendra la règle et le moyen habile de dépeindre l’hécatombe avec des couleurs vives, l’extrémisme dans des tons nuancés. Sans quoi l’euphémisme triomphera au détriment d’une réalité crue de moins en moins crédible.

Sans quoi, les mots vidés de leur signification ne parviendront plus à décrire avec suffisamment de précisions les tourments de l’actualité, annihilant ainsi notre capacité de réflexion. Face aux ignominies du monde, lorsque le silence parle, la raison se terre.

Maux tus et bouche cousue.

Guillaume Meurice

27/01/2013



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