Yonta, ou la vie comme à Bissau
La situation est désespérée mais les enfants dansent le long de la piscine où vient de basculer le gâteau des mariés, et la vie continue...
La fin du film de Flora Gomes, Les yeux bleus de Yonta, sélectionné à Cannes en 1992 et disponible en DVD, rappelle celle d'Amarcord de Fellini, avec le même mélange de douce folie visuelle, de tristesse et de gaîté enfantine. Tout le film est d'ailleurs traversé par celle-ci, dès la première séquence qui voit débouler une cinquantaine de gamins dans une course aux chambres à air marquant la commémoration de l'indépendance, en 1974, où rayonne une première fois le merveilleux sourire du petit Amilcar rêvant de devenir le nouveau Maradona de Guinée-Bissau... En outre, la belle Yonta est elle-même une sorte de femme-enfant, qui rêve d'être aimée par Vicente, l'ancien combattant revenu d'un voyage d'affaires en Europe avant de reprendre les rênes de sa petite entreprise, et qui la repousse gentiment.
Sous l'aspect d'une fiction aux personnage très bien dessinés, Les yeux bleus de Yonta relève à la fois de la chronique documentaire évoquant assez précisément la fin des grandes espérances liées à l'indépendance, ou plus exactement les séquelles personnelles de cette désillusion sur une brochette de personnages.
À fines touches, avec un remarquable sens poétique de l'image et de la narration, Flora Gomes compose ainsi un tableau vif et poignant, dont la joie de vivre qu'il reflète va de pair avec un constat doux-amer qui vaut, cela va sans dire, pour bien d'autres pays d'Afrique que le sien...