Hygiène de l’oreille : pas d’excès de zèle

Publié le 28 janvier 2013 par Nuage1962

Le nettoyage d’oreille ne doit pas devenir un acte excessif, mais bien fait avec parcimonie pour éviter des conséquences fâcheuses comme l’eczéma, otite voir même surdité
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Hygiène de l’oreille : pas d’excès de zèle

Alix Minde/PhotoAlto / Photononstop/Alix Minde/PhotoAlto / Photononstop

La meilleure technique reste incontestablement le recours à l’auriculaire, le bien nommé.

AVIS D’EXPERTS – L’élimination du cérumen doit rester modérée sous peine de se faire davantage de mal que de bien. Les conseils du docteur Jean-Marc Juvanon, oto-rhino-laryngologiste.

La question du nettoyage des oreilles est très fréquemment posée par les patients consultant un ORL. Elle est motivée par un souci d’hygiène, notamment pour les enfants. Et il est de bon ton de présenter à autrui des oreilles d’une propreté irréprochable. Or, le cérumen, sécrétion naturelle du conduit auditif, est considéré, à tort, comme indésirable.

Car il n’est pas sale. Il est produit par la peau du conduit, un peu comme la sueur, et se dépose harmonieusement sur les parois, réalisant un film protecteur, antiseptique et hydrophobe.

Le cérumen, improprement appelé parfois cire humaine, en a une composition similaire: il est, en effet, gras, chargé en lipides, épais, de consistance bien connue, «poisseux» (mais parfois trop sec), de couleur marron, allant du jaune clair au noir, en passant par toutes les nuances de brun, parfois rougeâtre, sans que cette couleur ait la moindre signification pathologique.

Il est transporté par la peau comme sur un tapis roulant, venant très lentement de la profondeur (2,5 cm en moyenne, et à la vitesse de la pousse d’un ongle), se charge en impuretés, pour s’échouer au pourtour de l’orifice du conduit. C’est cette accumulation «terminale» qui justifie pour beaucoup un nettoyage régulier. Celui-ci peut néanmoins devenir obsessionnel et entraîner des complications bien connues des médecins.

Eczéma chronique

L’erreur la plus courante est de nettoyer ses oreilles trop fréquemment et/ou trop profondément. La peau profonde du conduit n’étant plus protégée, elle devient irritée, douloureuse ou source de démangeaisons. L’eczéma chronique des oreilles n’a souvent pas d’autre explication. Après des baignades répétées, c’est carrément une infection cutanée qui s’installe, le conduit est boursoufflé voire obstrué, et atrocement douloureux.

Un faux mouvement, et c’est le drame: l’instrument de nettoyage peut s’enfoncer très profondément, faire saigner ou même perforer le tympan, ce qui occasionne douleur intense et baisse de l’audition. Le pire, c’est qu’en répétant les nettoyages intempestifs au fil des jours, des mois, on tasse consciencieusement le cérumen, formant ainsi un bouchon qui finit par entraîner une bien inconfortable surdité. Celle-ci peut survenir brutalement si de l’eau vient hydrater et faire gonfler le bouchon. L’ouïe revient dès l’extraction, mais laissera au patient (ou à ses parents) un sentiment de culpabilité voire de honte, proportionnel à la taille du bouchon (qui peut atteindre deux centimètres).

Les manœuvres d’extraction peuvent s’avérer techniquement laborieuses. Le lavage à l’eau tiède sous pression douce et à faire soi-même n’est pas toujours efficace et peut être dangereux si le tympan est altéré. Une préparation préalable à l’aide de différents produits ramollissant le cérumen est bienvenue.

Une production exagérée de cérumen

Le spécialiste ORL dispose de moyens modernes, comme un irrigateur ou un micro-aspirateur, permettant l’extraction sous contrôle de la vue grâce à un microscope binoculaire de consultation. Ce peut être le seul recours face à un bouchon récalcitrant, compact, adhérant au tympan ou à la peau du conduit, celle-ci étant très sensible et fragile.

Cet examen précis permet aussi de redresser certaines erreurs de diagnostic, le soi-disant bouchon étant en réalité une mycose (moisissures), de traitement spécifique, voire un corps étranger (surtout chez les enfants). Toute sensation d’oreille bouchée n’est d’ailleurs pas synonyme d’obstruction du conduit, et un lavage d’oreille sera d’une inefficacité confondante s’il s’agit en réalité d’une surdité d’oreille interne ou d’un épanchement liquidien tel qu’on le voit dans les otites chroniques.

Certains patients ont indiscutablement une production exagérée de cérumen, les obligeant à le faire extraire régulièrement. Le port régulier d’écouteurs, d’aides auditives ou de bouchon antibruit est un facteur favorisant bien connu. Mais dans la grande majorité des cas, le cérumen doit être respecté tant ses fonctions sont utiles.

Le Coton-Tige n’est pas interdit, mais il ne doit pas franchir les bords du conduit. Même remarque pour les cure-oreilles, à manier avec précaution. L’usage de clé de voiture, de stylo-bille, allumettes, etc., tient plus de l’addiction que d’un véritable souci d’hygiène. Les sprays ont souvent une composition proche de l’eau salée. Le lavage à la pomme de douche a ses adeptes, mais trop d’eau dans l’oreille et trop souvent peut aboutir à une otite externe. Le jet dentaire est formellement déconseillé, la pression est trop forte. Pour les plus maniaques, il existe des caméras sur fibre optique, permettant de voir l’intérieur de son conduit sur son écran TV.

Le meilleur moyen est à portée de main, il en fait même partie: c’est le bien nommé auriculaire, qu’on aura soin de recouvrir d’un fin mouchoir en papier, afin de «récolter» l’excèdent tant redouté.

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