« Je pense que pour gagner, il va falloir marquer plus de buts que l’adversaire ». C’est ce type d’éclair de génie, d’inspiration fulgurante, qui permet aux footballeurs du monde entier d’exposer leur verve intrépide et leur implacable logique. De la même manière, lorsque le monde du football récompense le meilleur joueur de l’année, du moins au niveau européen, ils choisissent comme emblème un ballon d’or et non une raquette en mousse. Question de logique toujours. Enfin, les joueurs ainsi primés sont quasiment systématiquement des joueurs à caractère offensif, ceux dont le travail consiste à marquer, ou faire marquer, des buts. On ne change pas une logique qui gagne à être facilement assimilée.
Pourtant, s’il parait délicat de remettre en cause les deux premières constatations, il est beaucoup plus discutable de considérer un homme chargé de conclure une action comme plus honorable que les autres. Pour définir un classement objectif et crédible, encore faut-il que les critères retenus soient les mêmes pour tous. Ainsi pouvons nous classer des villes par ordre de température moyenne, des animaux par taille et, en règle générale, tout ce qui peut se résumer en une donnée chiffrée. Par contre, qui est le meilleur entre Van Gogh et Picasso ? Un grille-pain et un appareil à raclette ? Une différence n’induit pas nécessairement une hiérarchie. Un cornichon est-il meilleur qu’une andouille ? (toute ressemblance avec des joueurs de football ne serait que coïncidence)
De plus, nul doute qu’entouré par un milieu défensif aveugle et un arrière gauche lépreux, Lionel Messi peinerait davantage à éblouir les foules. De même que le meilleur gardien du monde ne remportera jamais de trophées avec des attaquants unijambistes. La victoire d’une équipe est donc avant tout celle d’un collectif. Les interactions entre les différentes individualités se révèlent plus précieuses que les individualités elles mêmes. Le nous mène le je.
Aveuglée par l’amour de la compétition, le mythe du super héros, et le culte de la victoire, l’espèce humaine s’obstine inlassablement dans sa lutte contre elle même. Persuadée que le rapport dominant-dominé demeure le seul qui vaille. Oubliant que sa présence sur Terre est également, et surtout, due à la notion d’entraide et de solidarité entre ses membres. Qu’elle ne devra son salut qu’à la prise de conscience de son unité pleine et entière. Dans le cas contraire, et à l’heure de la bombe nucléaire, son « salut » sera définitif.
Avant cela, elle cherchera encore et toujours à se diviser, se déchirer, classant et hiérarchisant le moindre de ses membres. Elle restera une espèce se vantant de posséder des capacités cérébrales hors du commun, tout en vénérant des idoles tenant davantage, dans ce domaine là, du crustacé ou du mollusque.
Si « seule la victoire est belle », à quand celle de l’intelligence sur la médiocrité ?
Guillaume Meurice
06/12/2012