Il ne nous reste, selon les Mayas, que cinq semaines avant la fin du monde. Il serait temps, tout de même, d’en tirer un bilan.
Les Etats-Unis sortent d’une campagne présidentielle qui leur aura coûté trois milliards. Mais que pèsent trois milliards face à leurs trois trilliards de dettes? De toute façon, tant qu’ils auront assez de porte-avions, nul créancier n’osera les réclamer. Trois milliards, c’est rien! La preuve: on rempile avec le même. Elu pour sa couleur de peau, M. Obama a été réélu pour sa grisaille. S’il n’a rien fait pour les pauvres contribuables noirs, au moins a-t-il utilisé leur argent pour sauver les banquiers blancs de Wall Street. A l’étranger, son Nobel de la Paix lui a flanqué une bandaison triomphale : il a étendu le théâtre des opérations de guerre U. S., multiplié par quatre les attaques de drones, perpétué le goulag de Guantanamo et flanqué dans l’Océan pacifique le cadavre d’un barbu présenté comme Ben Laden, vieil agent de la CIA décédé des années auparavant. Illusions et écrans de fumée: tel est le bilan Obama. Son meilleur argument électoral, c’était l’enragé mormon qui voulait prendre sa place. Après la fumée, on aurait sans doute vu le feu…
En Chine, par contre, on a changé la statuette sur le capot, mais à bien moindres frais. Le nouvel homme fort est si discret que nous avons déjà oublié son nom. Au nom du Parti communiste, parti de l’égalité et de la justice universelles, il régente la plus grande chiourme industrielle au monde, où des millions d’enfants entrent en usine pour n’en ressortir que vieux et lessivés, quand ce n’est les pieds devant. Devant un tel spectacle, même les patrons vampires des romans de Dickens se seraient pincé le nez. Heureusement que le Parti de la fraternité et de la redistribution veille d’une main de fer sur la paix du travail! Et que nos héroïques dirigeants nous promettent de parler droits de l’homme à chaque fois qu’ils emmènent leurs businessmen faire un tour à pied par la Chine.
Pendant que l’UE entre dans l’hébétude qui précède les issues fatales, que ses populations désespérées envahissent les rues et que ses élites si angéliques découvrent soudain les vertus de la répression policière, son grand voisin russe entreprend enfin ce dont on l’a accusé à tort durant toute la Guerre froide: la conquête de l’Ouest! Il vient de lancer le chantier de son grand gazoduc européen appelé South Stream. C’est le tentacule méridional d’un immense étau énergétique qui mettra toute l’Europe à la merci du robinet de Moscou. Entre crise économique et futilités médiatiques, les Européens ne s’en sont même pas aperçus. Il est vrai que la réalité du monde leur échappe de plus en plus.
Et la Suisse en 2012? Plus le monde vacille, et plus elle s’absorbe dans sa microgestion. Elle vient d’adopter une législation capitale anti-chauffards! Comme dans «Astérix chez les Helvètes», nous astiquons les bâtons qui serviront à nous astiquer…
Le Nouvelliste, 16 novembre 2012.