Parfois, il m’arrive de penser qu’être de quelque part, c’est simplement reconnaître un nom. Un nom de rue, peut-être, ou celui d’un établissement qui a été là, au même moment que soi, et qui sans doute disparaîtra mais dont le souvenir pourra être partagé. A moins qu’il ne faille chercher encore plus loin, explorer d’abord les sensations, les odeurs, les couleurs. Le paysage vu devenu espace mental en toute inconscience.
Non, je ne sais pas ce que cela veut dire, en fait, d’être de quelque part. J’ai le sentiment que nous nous contentons d’accumuler le vu et le ressenti sans réellement pouvoir en tirer la petite carte de notre chez-nous, de notre endroit personnel, de notre « suis né ici, ai grandi pour le prouver».
Mais peut-être ne faut-il pas tenter à tout prix d’appartenir à autre chose que le moment présent ? Peut-être ne sommes-nous jamais de quelque part, en vérité ? Les souvenirs ne sont après tout qu’un album vaguement effeuillé, rien d’autre. Nous n’arrivons même pas à les classer dans le bon ordre, et pourtant, il y en a un, d’ordre. Il y a le premier lieu, et ceux qui ont suivi, et ceux qui y ressemblaient mais qui n’ont jamais vraiment été les autres, et ceux que nous avons volé à nos proches. Et rien de tout ça ne fait un quelque part.
Alors comment construit-on son origine ? Sérieusement, entre nous, comment fait-on ces choses-là ? Faut-il encore accepter de se mentir ?