Je l'intercepte avant qu'elle ne me touche.
J'en fais une toute petite boule bien concentrée, emmêlée et noire, que je cache tout au fond de moi.
Je l'agglomère avec une masse d'autres petites boules, toutes aussi noires et emmêlées.
La masse ne grossit pas, elle se concentre juste un peu plus encore.
Je l'écrase sur elle-même, je la mélange, je la compresse, jusqu'à ce qu'elle ne veuille plus rien dire, jusqu'à ce qu'elle s'effondre en elle-même, trou noir et minuscule qui engloutit le reste et existe pour lui-même et indépendamment de moi.
Je la ressens comme une gêne permanente, sans plus de cause ni d'objet, juste là.
Elle n'explosera pas.
Elle consumera, subrepticement, tout ce que je voudrais bien laisser traîner a sa portée. Elle me hurlera des mots incohérents quand je me croirais l'esprit libre. En anglais, parce que ma colère parle anglais. Parce qu'elle est trop bien élevée pour hurler en français.
Je l'ignorerai.
Elle hurlera sur des paroles de chansons qu'elle reconnaîtra comme siennes. Elle cherchera à se faire remarquer, de plus en plus.
Je suis là.
Tu n'as pas envie.
JE SUIS LA. Regarde moi...
Petite pelote de colère sans nom, seule et perdue. Moi seule pourrait l'aider à se comprendre, à se résoudre.
La dérouler...
A chaque nœud, assimiler. Ressentir totalement cette colère, une dernière fois.
Plus forte, une dernière fois, comme si, enfin purifiée et libre de sa gangue, elle brillait de mille feux, étincelante.
Et puis, elle se dissoudra lentement dans l'air.
Je ne pourrais pas dire à quel moment elle aura cessé d'être.. Son image rémanente restera quelques instants de plus en moi, avant de disparaître à son tour.
Je serai vide et libre.