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L'avion
Publié le 19 octobre 2012 par Valou94Il y a des gens qui ont peur en avion.
Moi pas. Je veux dire, pas du tout, aucune ironie dans ce "moi,pas".
Par exemple, j’ai une peur panique des mille-pattes et des guêpes, je n’aime pas particulièrement l’idée de la mort et je supporte difficilement l’idée d’avoir le hoquet, mais l’avion, j’adore.
J’aime me rendre à l’aéroport, comme ces choses compliquées et rares, prémices d’un bonheur annoncé.
J’aime tendre mon billet à l’hôtesse, et ce petit sursaut de peur lorsque je crois avoir oublié mes papiers. Alors que j’ai vérifié cinq fois depuis que je suis partie que je les avais. Et qu’ils ont migré de la poche de la valise à la pochette de l’ordinateur, de la pochette de l’ordinateur à mon sac à main, de mon sac à main à la poche intérieure de mon blouson, de la poche intérieure de mon blouson à ma main droite, de ma main droite à la pochette de l’ordinateur. Je vérifie partout. Y compris dans ma main droite.
J’aime choisir la place près de la fenêtre. Toujours.
J’aime passer la douane, voir l’intérieur de mon sac aux rayons X et en couleur, tenter de deviner ce qui est quoi.
J’aime passer devant les magasins duty free, regarder les vêtements hors de prix et les paquets de M&M’s taille XXL, et ne rien acheter.
J’aime attendre l’embarquement, sur un siège un peu à l’écart. Entendre les annonces pour les passagers en retard pour d’autres vols. Me plonger dans mon livre. Voir les avions à l’arrêt, et deviner celui que je vais prendre.
J’aime monter à bord, me faire accueillir par une hôtesse qui va me prendre ma carte d’embarquement pour m’indiquer le couloir, « c’est tout droit », comme si je pouvais tourner à gauche ou à droite et ressortir.
J’aime ranger mon blouson dans le coffre au dessus de ma tête, et mon sac sous le siège devant moi. Régler ma ceinture, et sortir mon coussin de son sac plastique.
Et les consignes de sécurité que je n’écoute pas.
J’aime rejoindre la piste en roulant tout doucement.
J’aime le flottement en moi, lorsque le pilote pousse les gaz à fond mais que les freins sont encore serrés.
L’accélération.
Ce moment suspendu où la roue avant décolle du sol, et où l’arrière de l’appareil et mon estomac sont encore sur terre.
Le whouf dans un dernier effort, et le bruit qui s’amenuise soudain.
Le virage sur l’aile, très vite après, et enfin les rumeurs mécaniques du train d’atterrissage qui rentre.
Et, tout de suite, les hôtesses qui se lèvent et vont faire tinter des verres, cachées derrière des rideaux bleus.
Ensuite, elles viennent vous proposer à boire, et des gâteaux apéritifs, pour accompagner. Salé, ou sucré ?
Je prends un jus de tomate, dans l’avion. Avec du sel au céleri, et une touillette en plastique.
Parce que l’avion est aussi le seul endroit au monde ou l'on boit du jus de tomate avec du sel au céleri. Regardez chez vous, vous avez un pot de sel au céleri dans votre armoire? Si oui (j’ai des doutes), allez voir sa date limite.
Je monte le son dans mes écouteurs. Je regarde là-dessous, en bas, les nuages, les villages, les fleuves, la mer.
Il fait beau, toujours, dans l'avion.
Il y a des gens qui ont peur en avion.
Moi pas.