C’est fait ! Je l’ai fait ! J’ai longtemps réfléchi. Devais-je le faire ? Ne devais-je pas ? Shakespearienne, la question… Il me fallait être sûre de moi, sûre de ma décision. Devais-je valoriser la mémoire d’une œuvre à laquelle je suis viscéralement liée et dont je connais l’ADN mieux que quiconque ? Ou bien devais-je en rester à cette acrimonie trop humaine et me détourner, au risque de perdre mes repères et n’avoir plus que du sable entre les mains au moment de transmettre à mes enfants ?
En clair, la plus grande collection de produits, objets, gadgets, tous liés à l’œuvre de mon père, arrivait sur le marché. Le collectionneur avec qui nous avions monté la grande exposition à Bruxelles en 2005, « Le monde-miroir d’Astérix », Marc Jallon, avait décidé de la vendre pour des raisons personnelles. Il m’a donc contactée. C’était moi ou…? Je me suis grattée la tête, j’ai bien cassé les pieds de mes proches, j’ai tourné en rond. J’ai même failli l’appeler – mon père – et lui dire que, finalement, au milieu du gâchis qui s’organise, je voulais lui montrer une autre voie… Mais, j’ai compris que j’allais prêcher dans un désert triste et sans écho, alors que cette collection est la vie même !
Une foule incroyable, kitch, magnifique de références gauloises et autres que personne ne connait vraiment est à mettre en scène, à raconter, à faire partager ! Et cette foule bouillonne dans mes veines. Marc est vraiment un grand malade d’avoir reconstitué, presque compulsivement, cette collection. Mais, heureusement pour moi qu’il ne s’est pas soigné… Dans des cartons, des caisses, des boites, c’est une sorte de musée de la bande dessinée de la seconde moitié du XXème siècle qui attendait son heure.
Mais, d’abord, il fallait établir un inventaire… Rien n’est simple. Un premier archiviste, au bord de la dépression, a préféré partir en cure de sommeil, plutôt que de classer la multitude de vignettes de la Vache qui Rit et de collections d’albums en serbo-croate… Plus de 11 000 références au total! Et à chaque fois, de trois à deux cent exemplaires, de chaque article…de quoi devenir folle ! Aussi, je me suis engagée à payer la cure de l’archiviste…! Mais, c’est fait, il ne me reste plus qu’à retrousser les manches pour tout ranger, classer, épousseter (merci, Marc !). Il y a une histoire à raconter, un récit qui témoigne pour plusieurs générations de têtes blondes ou brunes.Transmission ? Au fond, si on écarte la notion notariale de l’héritage, ce terme n’englobe-t-il pas une notion plus vaste, plus riche ? Il embrasse des valeurs pour lesquelles nous nous levons chaque matin, quelque soit le poids du fardeau qui nous attend. Aussi, j’ai fini par me pencher sur mon vieux dictionnaire, mon vieux Littré dont j’ai retrouvé les définitions sur le web.
À « transmission », j’ai lu, relu et j’ai trouvé plusieurs définitions qui m’ont toutes amenée à la même conclusion. Je devais le faire ! Tenez, en physiologie, la transmission héréditaire est le passage de certaines conditions physiques ou morales des parents aux enfants… Ça marchait ! En physique, la transmission c’est la propriété d’un corps qui laisse passer la lumière ou la chaleur… Ça marchait encore plus ! Enfin, en mécanique, transmettre c’est communiquer un mouvement d’un corps à un autre : montrer l’exemple ? Tout cela résonne parfaitement bien en moi.Allez, à très vite avec plus de détails, de photos, de raretés et un coin pour les « trucs » les plus insolites.
Et bonne année 2013 !
Sylvie Uderzo