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Mais où va Shanghai Tang?

Publié le 10 février 2013 par Michelgutsatz

Sht1   J'ai rencontré David Tang à Hong Kong en 1997 - à l'occasion d'une visite au flagship de Pedder Street de Shanghai Tang. J'avais été frappé par le côté "emporium" de la boutique, mêlant vestes traditionnelles chinoises et objets 'mao' détournés. The Independant parlait à l'époque de "high-quality China kitsch". Richemont venait de racheter la marque en y voyant, derrière le bagout du créateur, une tentative de construire une marque chinoise. Après plusieurs années sans direction claire, ils décidèrent d'en faire la première marque de luxe chinoise. Depuis 2001 Shanghai Tang se présente comme telle. Où en est t-elle en 2013?

On ne peut que saluer l'énorme travail qui a été réalisé en matière de style et de design sous la direction de Joanne Ooi. Les boutiques ont été modernisées et il y a, à l'évidence, une identité stylistique Shanghai Tang faite de couleurs vives et de bois noir. Mais cela suffit-il pour en faire une marque de luxe chinoise?

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Ma réponse est globalement négative, et ce pour deux raisons:

  1. Lors de mes cours sur le luxe en Chine (devant des auditoires de MBA, où la majorité des étudiants correspondent au coeur de cible de la marque - jeunes urbains chinois sophistiqués), à la question: "Shanghai Tang est-elle une marque chinoise?", la réponse s'évère systématiquement la même: les étudiants non-chinois répondent 'oui' et les chinois 'non'. Les chinois considèrent que le style ne leur correspond pas: trop chinois, trop coloré. Les étrangers adorent et sont prêts à en acheter pour ramener des produits chez eux.
    Dans les boutiques Shanghai Tang de Shanghai tous les vendeurs parlent anglais. Quand on fait des visites mystères dans les boutiques des marques de luxe occidentales à Shanghai, force est de constater que la plupart des vendeurs et vendeuses ne parlent pas anglais. Les vendeurs de Shanghai Tang parlent anglais parce que leur clientèle est esentiellement non-chinoise.
    J'en déduis donc que Shanghai Tang est une marque d'inspiration chinoise pour une clientèle internationale - et non pas une marque chinoise pour une clientèle chinoise.
  2. On peut tout autant s'interroger sur l'idée de "marque de luxe". Les boutiques sont souvent mal tenues: présence de produits non rangés, service inexistant, décoration présentant des usures prématurées. Mais avant tout une méconnaissance de la marque, de son histoire et de ses thèmes de collection inacceptables à ce niveau de la part du personnel de vente. On comprend mieux quand on se rend sur le site de Shanghai Tang où il n'y a aucune page qui nous donne ces informations: même le "World of Shanghai Tang" n'y fait pas référence.
    Shanghai Tang est donc une marque lifestyle, sans véritable histoire ni héritage.

Shanghai Tang a donc un problème de positionnement.

Une information passionnante confirme que le positionnement de la marque n'est pas celui qu'elle affiche. Elle dispose à ce jour de 40 boutiques dont seulement 19 en Chine. On voit ainsi que son développement est d'abord passé par l'international avant de se construire sur son soi-disant marché "domestique". Mais plus intéressante est l'analyse des boutiques chinoises: il y a 6 boutiques de centre-ville (dont 3 à Shanghai), 9 boutiques d'aéroport et 4 boutiques dans des hôtels (comme le Peninsula à Shanghai). Un tel mix montre à nouveau que la clientèle visée est une clientèle de voyageurs internationaux - parmi lesquels les chinois sont vraisemblablement une minorité (mais la marque accepterait-elle de fournir ses chiffres?).

Par contre un point mérite toute notre attention: les 3 autres boutiques de centre ville de la marque ont été ouvertes dans des 2nd tier cities en 2012 (Kunming; Xiamen; Shenyang). Cela montre que Shanghai Tang a enfin décidé de s'intéresser à son marché "domestique" et à s'adresser à une clientèle chinoise. C'est un très bon signe - mais la question stylistique soulevée plus haut ne va t-elle pas alors se poser très vite?


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