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Le cinoche à jules-LEGEND

Publié le 17 février 2013 par Jules

legend

Des fois je l’avoue ça m’arrive, je fais le malin. A des geeks enragés me vantant les mérites démesurés de la trilogie du Seigneur des Anneaux j’aime bien leur répondre que oui, effectivement c’est bien, mais Legend c’est mieux.

Parlons du cas Ridley Scott. Avant de filmer des navets à 200 millions de dollars avec des géants vert tout gris, le petit Ridley se rêvait artiste. Artiste peintre plus exactement au Royal College of Art de Londres. Un de ses profs l’en dissuadera. « Va plutôt faire carrière dans la pub, tu gagneras plein de pognon ». Vendu ! Après un bref passage à la BBC, notre rouquin s’en va faire fortune et plusieurs fois le tour du monde grâce à ses spots publicitaires. En plus le bougre a du talent, il fonde sa propre société (avec son frangin Tony) et se fait vite un nom.

Mais voilà, ses velléités artistiques recommencent à le titiller. A quarante ans, après avoir réalisé une bonne centaine de pubs et acquit toutes les bases techniques nécessaires, Scott se lance dans le long métrage. Là contre toute attente et avec une insolence toute britannique, Ridley Scott va nous pondre quatre chefs d’œuvres d’affilé ! Son premier, Les duellistes est à sa sortie carrément comparé à l’œuvre de Kubrick. Avec Alien et Blade Runner, il injecte ses influences européennes dans la science Fiction et révolutionne le genre. Puis arrive Legend.

« Nous avons besoin d'un héros pour mettre fin à cet hiver perpétuel, téméraire et dur. »

Scott est passionné par le monde médiéval, il rêve depuis longtemps de faire un film sur Tristan et Yseult. De ce projet, qui devait être son deuxième film, il en reste quelques traces. (Sigourney Weaver en scaphandre blanc dans sa capsule de sauvetage à la fin d’Alien) Il décide donc de réaliser un film inspiré des contes germaniques. Mais pour cela il lui faut une histoire, il demande donc à William Hjortsberg (scénariste d’Angel Heart) de lui écrire sur mesure un scénario. Les deux compères partent dans tous les sens et après 15 versions différentes du script (baptisé « Legend Of Darkness ») ils décident pour des raisons économiques de condenser au maximum l’histoire. Cette stratégie se révèle payante. Sans bout de gras et en évitant que des sous-intrigues polluent le récit, Legend va se rapprocher de la pureté originelle des contes de Grimm.

Un monde féerique est plongé dans un éternel hiver. Lily et Jack vont s’unir pour libérer ce monde de l’emprise du terrifiant Darkness et libérer la licorne sacrée. Doté d’un solide budget, Scott, complètement fan des films de Cocteau décide de tourner entièrement en studio. Une forêt fantasmagorique de 18 mètres de hauteur est ainsi entièrement construite. Magnifié par la somptueuse lumière du chef Op’ Alex Thomson, ce décor est sans doute le plus incroyable jamais construit, immergeant les acteurs en permanence dans l’univers du film. C’est également les débuts d’un jeune prodige du maquillage, un certain Rob Bottin. Déjà créateur des superbes effets spéciaux de The Thing, il montre l’étendue de son énorme talent en concevant des créatures jamais vu auparavant. Il immortalise le regretté Tim Curry dans la peau de Darkness et crée au passage la créature la plus fascinante jamais vu au cinéma. Malgré le terrible incendie qui détruit une grosse partie du décor (dix jours avant la fin du tournage) Scott ne se démoralise pas et finis son film dans les temps.

Tout va bien dans le meilleur des mondes donc. Pas tout à fait, car c’est précisément avec ce film que Ridley Scott va péter une durite. Exaspéré devant des exécutifs qui ne comprennent pas ses intentions, l’homme aux cigares va consciencieusement ruiner son film en le charcutant au montage et réduire considérablement sa dimension poétique. Pire, il va carrément supprimer la sublime musique de Jerry Goldsmith pour la remplacer par un nouveau score écrit par le groupe allemand progressif Tangerine Dream. Heureusement ce montage sera exclusivement réservé aux salles américaines*.

Le marché américains étant (même aujourd’hui) le seul indicateur valable à Hollywood pour évaluer un sucées, le bide de Legend va profondément marquer Ridley Scott. Ce film sera son apogée artistique et la suite de sa carrière infiniment plus discutable. C’est à partir de ce moment qu’il devient le réalisateur cynique que nous connaissons et qui transforme depuis tant d’années des projets ambitieux en panouilles commerciales à l’esthétique publicitaire. Il ne retrouvera jamais l’inspiration de ses premières œuvres. (Essayez donc de revoir Thelma et Louise ou Gladiator**) Conscient d’avoir tout donné au départ il essaie maintenant de surfer pitoyablement sur ses sucés passés. Après Alien, c’est Blade Runner qui va bientôt avoir une suite.

En 2001, le director’s cut supposé perdue de legend est retrouvé, une version longue est donc mise sur le marché. Cette version plus contemplative améliore nettement le film et lui donne plus de cohérence. Edité dans un Blu Ray très convenable, c’est réellement la version que je conseillerai à ceux qui veulent découvrir Legend, et aux autres aussi.

*Ridley est un habitué des director’s Cut, Blade Runner en est un bon exemple, on ne sait plus qu’elle version est la bonne. D’ailleurs (en bon bourrin qu’il est) il n’a jamais caché à longueur d’interviews que ces versions n’existaient que pour lui remplir les poches.

** Traqué, GI Janes, Lame de Fond, Hannibal, Kingdom Of Heaven…la liste est longue des boursouflures que nous inflige Scott depuis tout ce temps. J’avoue cependant avoir une tendresse perverse pour Black Rain et avoir passer un bon moment devant Mensonge d’état.


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