Cordillera Blanca : Laguna "69"(photo de Leen Roels)
Le 9 septembre, Lena, Tomas et moi quittons Cuzco et reprenons la direction du Nord, à travers différentes cordillères andines. Nous évitons ainsi de passer par Lima, qui ne semble pas très agréable. La période des vacances estivales de l'hémisphère nord se termine et nous sommes enfin sortis des sentiers classiques. Autant dire, nous ne croisons plus aucun touriste. Après une nuit et une demie journée de bus, au travers de petites vallées perdues, nous atteignons Ayacucho. Cette route est sans doute la plus belle que nous avons vu depuis que nous sommes au Pérou. On traverse des petits bleds typiques, plantés au bord de vallées fertiles et entourés de monts arrides. L'effet graphique est garanti. Les maisons des pueblos sont en adobe. Cela me semble à l'avant garde de la modernité. Outre les qualités architectoniques de ce matériau, il a l'avantage de se fondre parfaitement dans le paysage et il est totalement bio-dégradable. Les Incas connaissait apparement le principe de " la maison jetable " : quand tu la quitte, elle s'auto-détruit ! Cela dit, ce qui est moins " bio ", c'est que la façade principale de chaque maison est peinte aux couleurs, sigles et slogan de l'homme politique défendu par son propriétaire ! Cela me fait marrer car j'imagine un instant la scène en France, avec 40% des maisons, où pendant une durée de quatre ans, il y aurait écrit en gros "SARKO" ! Remarquez, les gens réfléchiraient peut-être à deux fois avant de voter n'importe quoi...




Lena, Tomas et moi continuons ensuite notre chemin par Huancayo. Nous y trouvons une pension de famille, qui sert d'hospice pour personnes agées. Elle est tenue par une vieille bigote intraitable : " Il est interdit de rentré après 21h00, je dors moi et je ne vous ouvrirai pas ! " Compris chef, tampis pour le Huancayo by night, apparement, ça va pas être possible. De toute façon, la ville est bruyante et pas très belle. On dirait qu'il n'y a pas de feux rouges et tout se fait au klaxonne. Nous repartons le lendemain en direction depuis Huanuco, une bourgade de fond de vallée, au climat presque tropical. Après, pour rejoindre directement Huaraz, il faut encore traverser l'extrémité sud de la Cordillera Blanca par le village de La-Union. Nous mettons 4h00 pour faire140 kilomètres, sur une piste en épingle à cheveux, dans une voiture conduite par un shumarer en herbe ! Cette route de montagne est en bien mauvais état et les transports collectifs plus qu'aventureux. Après La-Union, nous nous retrouvons comprimés, avec 24 autres personnes, dans un combi, qui remplace un bus absent, un record digne du Guiness book ! On ne le voit pas bien sur la photo, mais à l'intérieur, on est littéralement empilés les uns sur les autres !






( Photo Tomas Van de Wiel )
Après quelques jours de repos, Lena, Tomas et moi décidons de partir dans la Cordillera Huayhuash. Nous voulons faire le tour du massif de Yerupa, soit un minimum de 10 jours de trek en autonomie totale ! La veille de notre départ, un ami belge de Tomas a le bon goût de nous faire voir le film : " Touching the void ". C'est l'histoire vraie de deux escaladeurs anglais dont l'expédition tourne mal. Cela s'est justement passé dans la Cordillera Huayhuash, en 1985, merci ! Le lendemain matin, nous partons bien chargés, nos sacs à dos remplis de nouriture...





Voilà maintenant 15 mois que je voyage. Pour la première fois, ma famille, mes amis laissés en France et, plus généralement, mon pays me manque. J'y pense souvent en ce moment. Et j'ai besoin d'en parler. Je raconte comment était ma vie, avant, chez moi, là-bas. Peut-être ce sentiment est-il maintenant plus prégnant car je sens que mon voyage s'installe dans la durée, car je suis parfaitement heureux dans cette vie en mouvement, devenue mon quotidien. Mon rapport au temps à complétement changé. Je ne me sens plus du tout pressé d'avancer. chaque heure a son but. Et je sais que je ne suis pas à la veille de rentrer. Ce qui étaient des pré-sentiments, des aspirations, avant mon départ, sont maintenant des certitudes. Je ne reprendrai jamais ma vie d'avant. Mon envie de fonder un éco-village se transforme, chaque jour un peu plus, en véritable projet pour le futur. Je ne vois pas d'alternative possible à ma vie personnelle, ni à la transformation positive du monde. La peur que j'avais de m'exclure de la société s'est transformée en profonde conviction. Par mes rencontres avec tous ces voyageurs, tous ces artistes alternatifs, comme ces jours-ci Marco, je mets mon projet en mots. Il se construit, peu à peu, et prend corps, de plus en plus, aux boucles des oreilles, auquelles il trouve un écho.



