Ils sont plus de 600 en France à se donner la mort chaque année, dans l’indifférence générale de l’opinion et des pouvoirs publics. Soit, en moyenne, près de deux agriculteurs par jour qui se taisent à jamais faute d’avoir été entendu. Faute également d’avoir été invité dans les écrans plats à l’heure où le français moyen se ravit la panse, sans jamais penser à la vie de celui ou celle à qui il doit son plat.
Et pour cause, ils n’imposent pas leurs navets dans les salles de cinéma. Ni ne présentent leurs asperges au concours Miss France. Leur blé, ils ne vont pas le cacher en Belgique. Difficile dans ces conditions d’exciter la fibre voyeuriste indispensable pour gagner des parts de marchés. Un marché qu’ils se contentent modestement d’alimenter tous les jours des fruits de leur travail.
À l’heure où l’agriculture tient salon Porte de Versailles, le monde paysan semble déraciné. Avantages fiscaux et subventions demeurent les privilèges de grosses exploitations tenant davantage de l’industrie lourde que du respect du vivant et des cycles naturels. Pesticides, engins surdimensionnés, monocultures… Dans ce nouveau monde rural, l’agriculteur semble dépaysé.
Au sein du gouvernement, les ministres concernés feignent l’étonnement et la colère tandis que la chair du cheval remplace celle du bœuf au gré des fluctuations boursières. Aujourd’hui, c’est l’animal que l’on considère comme du « minerai de viande ». Demain, ce sera l’humain qui n’aura droit à davantage de considération. Dans un monde réduit à sa simple dimension utilitariste et financière, les paysans cultivant le goût des bons produits n’ont plus leur place.
Alors ils meurent dans leur champ même pas « d’honneur ». Pas de légion du même nom pour celles et ceux à qui nous devons pourtant notre subsistance. Sur les places des villes et des villages, les statues sont réservées presque exclusivement à ceux qui ont semé la pulsion de mort, à défaut de rendre hommage au travail des damnés de la terre.
Qui sème la vie, récolte le mépris.
Guillaume Meurice
24/02/2013