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The Hour

Publié le 28 février 2013 par Hesperide @IsaBauthian

Mot-clef du jour : « j’veux du nulcle »

Allez, je relance un peu les posts réguliers, on y croit.
Et comme mon taff ne suffit pas pour ça, que je suis un peu revenue du « je raconte ma vie sur le Web sous forme de petits râlages hohoho », et que ça me gonfle d’écrire des trucs chiadés juste pour le blog, je vais parler des autres.
Ça ne sera pas forcément de grandes œuvres, mais de celles dont j’ai envie de dire : « C’est trop bien, il FAUT l’avoir vu » (alors que je suis la première à pester contre les gens qui disent ça, persuadée qu’aucune œuvre ne doit absolument être vue, mais comme je vais essayer de présenter des trucs un peu originaux, je m’accorde une dérogation). Il s’agit en tout cas de choses qui m’ont beaucoup apporté, que ce soit artistiquement, professionnellement, personnellement ou humainement, et c’est selon cet axe que je vais les présenter (amateurs de critiques chiadées comme il faut, passez votre chemin, ou allez voir vous mêmes les œuvres pour vous forger votre propre opinion).

Et je commence avec une série britannique, The Hour.

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L’histoire est celle du trio-star d’une émission pionnière de la télévision d’information dans les années 50 : une productrice (Romola Garai), un présentateur (Dominic West) et un journaliste d’investigation (Ben Whishaw). Dans une Angleterre en pleine Guerre Froide, prélude d’un monde moderne et libéré mais subissant encore la puissante pression d’une société de classes bien pensante, elle aborde, de front ou en filigrane, de nombreux thèmes : le droit à l’information et la responsabilisation des citoyens, la libération de la femme, la situation des homosexuels, le racisme, l’alcoolisme, la guerre, la notion d’héroïsme, l’attachement à la partie, les compromis politiques et humains, l’amitié et l’amour (l’amitié à la base de l’amour), et j’en passe.
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La première saison est très politique (il faut d’ailleurs un peu s’accrocher sur le premier épisode), la seconde parle de corruption et prend une tournure de polar de meurs plus classique mais très intéressante par les enjeux qu’elle soulève. Il n’y aura malheureusement pas de saison 3, et c’est à mon sens le point noir de la série : aucune question n’est laissée en suspens mais la conclusion, si elle constitue une excellente fin de saison, est frustrante pour une fin tout court.

Mais, faut quand même regarder. Il Faut.
Ce qui m’a plu, à moi qui n’aime pas la politique et ne suis pas super cliente de romans noirs, c’est qu’elle se focalise sur les aspects humains derrière les enjeux internationaux.
Beaucoup de séries historiques ne parviennent pas à combler cette espèce de distanciation engendrée par le changement d’époque. Je me demande même si les créateurs, consciemment ou non, ne le font pas un peu exprès. On observe ces choses avec un regard d’historien, un peu déconnecté, avec un tel recul que, bien qu’on lie, intellectuellement, certains enjeux à notre propre époque, on ne les ressent pas vraiment. Le passé, d’une manière générale, a ce pouvoir. (Un jour, il faudra que je vous parle de ma grande perplexité quand je vois exposées, dans un musée, des momies, par des gens qui hurleraient à la mort si on touchait à leur vieux caveau de famille. Au bout de combien de temps un corps n’est-il plus digne de respect, et qu’est-ce que le respect d’ailleurs, dans ce contexte ? Mais je digresse).
Qu’est-ce que je disais, déjà ?

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Ah, oui. La distanciation. Chose très fréquente dans le genre historique, avec une petite couche d’intellectualisation proprette par-dessus, pour faire réfléchir sans trop se mouiller, ahlala ma bonne dame dans quel monde on vit, c’était fou cette époque, monte le son Jean-Pierre j’entends pas bien, et passe-moi le beurre, mes légumes sont un peu secs. Là, ya pas. Du tout. Et pour moi, qui pense que le but de l’Art est de parler à l’humain, de le faire s’interroger pratiquement, voir se remettre en question, c’est d’une importance capitale.
Par-delà les thèmes précités, The Hour parle de positionnement de l’individu dans la société, des routes faciles à prendre et de celles de la rébellion, des notions d’intelligence, d’empathie, de courage… De courage, surtout. De ce point de vue, le casting est absolument brillant, avec de formidables comédiens menés par l’incroyable Ben Whishaw, certainement un des (voir le) meilleurs acteurs de sa génération.

Une autre grande force de la série, liée à la précédente, est aussi qu’elle… comment dire ça… qu’elle parle de la vraie vie, avec des vrais personnes, sur un vrai ton.
« J’veux dire… »
Souvent, on se sent obligé de donner un ton à son œuvre.
« J’veux dire… » Volontairement. De manière très calculée. Sur ce genre de thématiques, par exemple, on voudra être ironique, voir cynique, avec un humour un peu trash qui rendra le résultat reconnaissable, et créera une identification chez un certain public (les jeunes adultes cultivés de classe moyenne qui en ont marre des séries un peu lisses, pour ne pas les citer). C’est souvent réussi, mais ça relève de la stratégie. Une stratégie qui cache parfois une simple peur d’être chiant (Mais, les mecs, si vous écrivez bien, vous ne serez jamais chiants !). Et je suis persuadée qu’en la choisissant, on prend le risque de prêcher essentiellement les convaincus.
Ici, la narration est dynamique et vivante, moderne, mais réaliste, assez linéaire, sans effets ou presque. Et c’est ce qui lui donne son caractère immersif. Les acteurs sont de vrais gens. Romola Garai avec sa taille 40 et son mètre soixante-quinze, Dominic West avec sa beauté canonique un peu fade qui en fait un pion pour la télévision, Ben Whishaw avec son visage acéré et son corps chétif… La première campe une femme active hantée par une mère qui ne se définit que par son physique, fragilisée par sa position de « dominante inattendue » qui complique ses relations sociales. Le second, un héros de guerre, s’avère, dans la vie civile, un faible dont les certitudes bourgeoises sont douloureusement remises en question. Le dernier est un jeune homme brillant, un grand battant, un passionné d’une intégrité totale, toujours prêt à assumer les conséquences de ses actes, menaceraient-elles sa vie et tout ce qu’il a construit, mais aussi un caractériel prétentieux avec tant de choses à prouver… Je ne vous détaille pas les seconds rôles, je n’en finirais pas, mais ils sont tous passionnants, aucun faire-valoir.

The Hour, en fait, c’est tout simplement une des séries les plus dignes d’intérêt que j’ai vues. Elle est surtout la preuve qu’il n’y a pas besoin de démonstration pour susciter l’empathie, que les questionnements les plus efficacement suggérés le sont avec l’air de ne pas y toucher. C’est bien simple : si vous ne vous attachez pas aux personnages, si vous ne vibrez pas avec eux, si vous ne vous sentez pas remués dans votre propre quotidien par les questions soulevées, c’est que vous avez un cœur de pierre ou des putains d’œillères. Voilà. Je l’ai dit.

Il faut la voir.

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