[CHACUN NOUS VIVONS AVEC DES POLYPHONIES INTÉRIEURES]
chacun nous vivons avec des polyphonies intérieures auxquelles nous n’accédons pas toujours, comme si nous demeurions seulement à l’écoute de nous-mêmes au lieu de nous ouvrir aux paroles qui nous traversent et que nous ignorons le plus souvent
car il nous est difficile d’ôter le masque où nous vivons, à cause des peurs qui brûlent notre visage et de l’impossibilité que ce serait de vivre tels que nous sommes, dans une chair à vif hideuse et brutale
peut-être ne meurt-on pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou les uns à la place des autres, puisque dès qu’elles tombent des voix tombent en nous
voilà parfois qu’on découvre sous la sienne une telle voix, non pour faire un travail de deuil, expression idiote dont l’apparence laisse entendre qu’on puisse l’effectuer, c’est-à-dire s’en défaire, quand il aurait été habilement réalisé, et truquée, car on ne fait rien dans un deuil qui ne fasse que la douleur vous fasse, à travers la combinaison du temps qui passe et du temps qu’en vous cette douleur a figé
godeleine ma petite sœur c’est ainsi que je te rejoins, chaque jour de ma vie, en la peuplant des peurs qui l’assassinent, je ne peux faire autrement, et chaque fois que j’essaie ça ne dure qu’un instant, un instant d’oubli, tu as grandi au milieu de mes peurs et ne les as jamais cachées, pas plus que tu es venue me prendre par la main comme lorsque j’étais petit pour me rassurer, me dire que tu étais là, tu m’as laissé seul et depuis que tu es morte je vis seul au milieu de mes solitudes
Ludovic Degroote, « monologue de ludo » in Monologue, Champ Vallon, 2012, pp. 71-72.
LUDOVIC DEGROOTE
Source
■ Ludovic Degroote
sur Terres de femmes ▼
→ Retisser la trame déchirée (note de lecture de Sylvie Fabre G.)
→ un peu plus au bord
→ 3 ciels d’ici
■ Voir aussi ▼
→ Monologue (note de lecture de Jacques Josse)
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